« Ce n’est pas la peine de remonter dans le Nord pour dire des conneries comme ça. » L’invective du maire de Saint-Pol à son prédécesseur a stupéfié l’auditoire, venu assister au conseil municipal organisé lundi soir afin essentiellement d’entériner la hausse annoncée de 8 % de la fiscalité locale et de valider le budget 2022. Régulièrement absent aux conseils municipaux, Maurice Louf tenait à défendre son bilan, notamment sur les questions financières, alors que Benoît Demagny l’accuse régulièrement d’avoir « vendu les bijoux de famille » pour renflouer les comptes. Si le rapport de la Chambre régionale des comptes étrillait la gestion de la commune de 2015 à 2020, ses conclusions étaient plus clémentes concernant les finances, comme tenait à le rappeler Maurice Louf : « En page 34 de ce rapport, la Chambre régionale des comptes disait : “ Le niveau de trésorerie de 929 000 euros en 2020 (nous sommes passés maintenant à 1,2 million) offre à la commune une marge de manœuvre importante. Avec celle-ci, elle pourrait utilement mener une réflexion en vue de rembourser par anticipation une partie de son endettement, diminuer la pression fiscale ou encore engager de nouveaux investissements.” Il y a eu des événements – on va en parler avec le budget prévisionnel 2022. Je voulais souligner ce qui avait été dit, on n’a pas beaucoup parlé de ça dans les mois précédents, mais je voulais refaire cette observation sur le niveau de trésorerie de la commune. »
« Avec une trésorerie comme ça, proposer une baisse des impôts ou de rembourser des emprunts, c’est suicidaire. »
Benoît Demagny, maire de Saint-Pol-sur-Ternoise
Évoquer une diminution de la pression fiscale alors que la nouvelle équipe s’apprêter à voter une augmentation n’a pas vraiment plu à Benoît Demagny : « Je peux vous garantir que si la CRC revenait maintenant avec une facture d’énergie telle qu’on va la présenter tout à l’heure, elle n’aurait pas le même discours. J’ai l’impression que vous n’avez jamais piloté d’entreprise ou de mairie correctement. Je peux vous dire qu’avec une trésorerie comme ça, telle qu’on va la présenter, proposer une baisse des impôts ou de rembourser des emprunts, c’est suicidaire. Et je pèse mes mots, c’est irresponsable. C’est pas la peine de remonter dans le Nord pour dire des conneries comme ça », s’est emporté le maire de Saint-Pol, à la surprise de l’assistance. Sidéré par l’attaque, Maurice Louf s’est efforcé de relativiser : « Soyez sérieux, Monsieur le Maire. Je ne vois pas où est la polémique là-dessus. S’il n’y avait pas eu le chauffage, les conclusions de la Chambre régionale étaient d’actualité. C’est ce que je voulais dire. » « La donne a changé, vous l’avez dit vous-même : il y a du chauffage maintenant. C’est pas la peine de polémiquer sur des histoires comme ça », a tranché le maire, lâchant un dernier « Irresponsable ! », en direction de son prédécesseur.
« J’ai géré pendant vingt ans la commune, je suis fier de ce que nous avons réalisé ensemble, avec tout le conseil municipal. »
Maurice Louf, conseiller municipal minoritaire et ancien maire de Saint-Pol-sur-Ternoise
Ce dernier a tenu à aller au bout de son raisonnement et à rappeler qu’il n’est pas responsable de tous les maux actuels : « J’ai géré pendant vingt ans la commune, je suis fier de ce que nous avons réalisé ensemble, avec tout le conseil municipal. Je ne voulais pas polémiquer sur un vrai problème de chauffage. Je voulais simplement dire que ce qui va se passer maintenant, la raison, c’est le chauffage, ce ne sont pas les décisions précédentes. » D’autant que le briscard de la politique locale avait quelques arguments à faire valoir face au sinistre tableau de la situation financière dépeint par son successeur – mais il n’était pas présent lors du débat d’orientation budgétaire pour les présenter. En effet, Benoît Demagny avait expliqué que les taux d’imposition n’avaient pas progressé depuis trente ans : il a lui-même corrigé son erreur (que personne n’avait relevée, pas même la presse) en précisant que les taux communaux avaient été augmentés en 2002, suite à une évolution des compétences de TernoisCom, mais que le montant global payé pour les Saint-Polois était resté identique. Maurice Louf a également apporté un complément d’information : alors que Benoît Demagny souligne que les taux d’imposition à Saint-Pol sont très en-deçà de ceux des communes de taille similaire, Maurice Louf atteste que les bases de calcul étaient plus importantes à Saint-Pol en 2018, ce qui entraînait un montant payé par les contribuables équivalent aux communes comparables. Sans nier l’évidence de l’explosion des charges, notamment de chauffage, Maurice Louf a estimé que la hausse des impôts pouvait être évitée, en réalisant des économies ailleurs. Benoît Demagny a rappelé que la hausse de la fiscalité ne permettait de combler que 25 % des besoins et que l’augmentation des impôts aurait dû être progressive au cours des trente dernières années : « Ce qui aurait dû être fait, c’était une hausse régulière avec un petit pourcentage. Je ne veux pas critiquer le passé, quelque part je m’en fous, je ne suis aux responsabilités que depuis 2020. La praline est un peu plus importante cette année et on aura notre boulot à faire de notre côté. » Sans surprise, Maurice Louf et les cinq élus de son groupe ont voté contre la hausse de la fiscalité, tout comme un membre du groupe majoritaire, un autre s’étant abstenu.
Retrouvez l’intégralité des échanges, débats et arguments dans la vidéo du conseil municipal retransmis sur la page Facebook de la ville de Saint-Pol-sur-Ternoise :