« C’est une décision douloureuse, difficile à prendre, mais c’est responsable à moyen terme. Même dans l’équipe, on n’était pas tous d’accord sur le sujet. » Le maire de Saint-Pol a annoncé lors du débat d’orientations budgétaires qu’une augmentation des taux d’imposition va être proposée au budget 2022 : la taxe foncière sur les propriétés bâties devrait passer de 36,80% à 39,74%, ce qui permettrait à la commune de faire rentrer 194 000 euros dans les caisses. La taxe sur le foncier non bâti va suivre la même tendance. Ces augmentations sont présentées comme nécessaires par Benoît Demagny, même s’il renie une promesse électorale : « Durant la campagne, on avait dit qu’on ne ferait pas de hausse d’impôt, mais les budgets précédents ont été équilibrés grâce aux reports, beaucoup d’immeubles ont été vendus, une ligne d’emprunt a été tirée pour payer les agents… Sur l’énergie, on ne pouvait pas non plus deviner qu’il y aurait une hausse exorbitante liée à l’Ukraine et à la Russie. On n’aurait pas eu le même discours s’il n’y avait pas eu cette hausse de l’énergie, on est devant le fait accompli. À un moment, il faut réagir, avec responsabilité. »
« Si les énergies redescendent l’année prochaine, on pourra ne pas reproduire ces hausses des taux ou les reporter. Mais à un moment, il faudra se poser la question d’en faire un petit peu tout le temps. »
Benoît Demagny, maire de Saint-Pol-sur-Ternoise
Ainsi, alors qu’en 2020, à la signature du contrat de fourniture de gaz, le prix avoisinait les 6,5€/MWh, il a atteint 40€/MWh fin 2021 et même 250€/MWh quelques jours après le début de la guerre en Ukraine. La municipalité a retenu une hypothèse de 80€/MWh en moyenne pour 2022, ce qui représente une hausse de 370 000 euros par rapport à 2021. L’augmentation des taux d’imposition couvrirait donc à peine la moitié de celle du prix de l’énergie : « Si les énergies redescendent l’année prochaine, on pourra ne pas reproduire ces hausses des taux ou les reporter. Mais à un moment, il faudra se poser la question d’en faire un petit peu tout le temps », a prévenu Benoît Demagny, qui envisage finalement d’augmenter un petit peu les impôts chaque année. Il a constaté que les taux n’avaient pas évolué depuis 1990 et que Saint-Pol est en-deçà de la moyenne du département pour les communes similaires : « On paie les pots cassés d’une stabilité des taxes depuis 30 ans. Si on avait eu une augmentation de 1% par an depuis trente ans, on aurait aujourd’hui une rentrée de 650 000 euros par an. C’est ce que font les départements, les autres villes, mais il faut avoir le courage de l’expliquer et de le faire. Si on l’avait fait, on serait aujourd’hui dans une situation très différente et on serait à un taux de 47%, alors qu’on est aujourd’hui à 36,80%. »
« J’étais très mal à l’aise parce qu’on avait pris l’engagement de ne pas augmenter les taxes. La vie est dure pour tout le monde, y compris pour les propriétaires. »
Amandine Delattre, conseillère municipale de la majorité
Les Saint-Polois peuvent donc s’attendre à des augmentations des impôts dans les prochaines années, pour rattraper la moyenne. Néanmoins, tous les habitants ne sont pas soumis à cette hausse : la taxe d’habitation disparaissant progressivement, ce sont les propriétaires qui vont payer. Benoît Demagny a fait ses calculs : pour une habitation de 100 m², la hausse représenterait 8,32€ par mois, soit 99,84€ supplémentaires par an. « On est très conscient que ça arrive en même temps que des hausses sur tous les produits et services, mais aujourd’hui, il n’y a malheureusement pas d’autre solution, il faut regarder les choses en face. On pourrait dire qu’on coupe toutes les dépenses, mais ce n’est pas la volonté de l’équipe, il faut garder une certaine dynamique dans la ville. Nous avons un risque financier d’être en cessation de paiement en 2023. » La décision sera actée définitivement le 4 avril, lors du vote des taux communaux et du budget 2022, mais l’affaire est entendue, même si le sujet a fait débat au sein du conseil : « Tous les propriétaires n’ont pas de locataires, ce sont aussi des gens qui vivent dans leur maison. Cent euros en plus, pour une famille, je trouve ça énorme. Vous mettez en avant la volonté de garder une dynamique au niveau de la ville, mais si les gens commencent à être étranglés, je ne vois pas comment ils vont pouvoir profiter des festivités s’ils ont du mal à remplir leur frigo chaque semaine. Augmenter les taux, il le faut certainement vu la conjoncture, mais là, je trouve que c’est un peu raide », a estimé Betty Soyez, pour le groupe minoritaire. La critique la plus franche est même venue des rangs de la majorité, par la voix de la conseillère Amandine Delattre : « J’étais très mal à l’aise parce qu’on avait pris l’engagement de ne pas augmenter les taxes. La vie est dure pour tout le monde, y compris pour les propriétaires. Certains ne vont pas forcément jouer le jeu et répercuter ça sur les loyers. » Benoît Demagny assume la décision, égraine les arguments et anticipe même une critique qui risque fort d’émerger : « Qu’on ne dise pas que je propose ça parce que je n’habite pas ici (NDR : Benoît Demagny réside à Saint-Michel-sur-Ternoise, mais possède des biens immobiliers à Saint-Pol) : je paie pas mal de taxe foncière à Saint-Pol, je vais contribuer aussi à cet effort. »