St-Pol : fausses délibérations, détournements, décisions irrégulières de 2015 à 2020

-> Téléchargez le rapport complet de la Chambre régionale des comptes

Le conseil municipal de Saint-Pol a pris connaissance du rapport de la Chambre régionale des comptes qui s’est penchée sur la gestion de la commune depuis 2015 jusqu’à la fin du mandat de Maurice Louf. Retenu par des obligations familiales, l’ancien maire était le grand absent de cette séance et n’a donc pas pu s’expliquer sur les constats cinglants de la CRC, que son successeur a présenté dans le détail. Maintenant que le conseil municipal en a pris connaissance, le rapport de quarante-neuf pages devrait être rendu public ce jeudi. Trois aspects ont été relevés : « une gouvernance entachée de graves manquements », « des manquements importants dans la gestion de la commune », « une solvabilité financière qui reste satisfaisante ». La Chambre régionale des comptes dénonce notamment « un système de fausses délibérations et d’actes irréguliers », avec trente-quatre délibérations qui n’ont pas été approuvées par le conseil municipal (ainsi que cinquante-deux autres pour le Centre communal d’action sociale).  Par ailleurs, « la commission d’appel d’offres n’a pas été conduite à se prononcer sur d’importants marchés publics, comme celui de la réhabilitation de l’école de la commune ». La CRC en conclut que « la gestion des affaires communales n’était pas sous contrôle » et estime à 323 000 euros « le coût des décisions prises, notamment en matière de gestion du personnel ».

  • Délibérations fantômes

Entre le 30 mars 2016 et le 19 décembre 2019, trente-quatre délibérations n’ont pas été débattues et approuvées par le conseil municipal, ce qui relève de faux et usage de faux en écriture publique : la plupart ont été signées par l’ancien maire et son directeur général des services, et quelques unes par les premier et deuxième adjoints. Ces décisions n’avaient pas été inscrites à l’ordre du jour des conseils municipaux et n’apparaissaient pas dans les comptes-rendus. Certaines ont entraîné l’engagement et le paiement de travaux sans approbation formelle du conseil municipal. Treize d’entre elles concernent la gestion du personnel, notamment des promotions, ce qui a entraîné 179 000 euros de dépenses intervenues suite à des procédures irrégulières.

Retenu par des obligations familiales, l’ancien maire n’était pas présent pour se défendre et s’expliquer.
  • Défaut d’information du conseil municipal et de contrôle de délégations

Maurice Louf disposait d’une large délégation octroyée par le conseil municipal, ce qui lui permettait de prendre certaines décisions sans passer devant les élus, mais il devait les informer systématiquement. La CRC considère que « l’ancien maire ne fournissait pas les informations nécessaires et [que] les instances internes ne fonctionnaient pas normalement » : ainsi, aucune commission ne traite les affaires financières et rien n’atteste de la tenue des commissions d’appel d’offres, notamment pour la réhabilitation de l’école maternelle. De plus, le directeur général des services disposait d’une délégation du maire qu’il a utilisée en-dehors du cadre légal, notamment pour certains marchés publics et la gestion des personnels.

  • Des conséquences financières importantes

La CRC estime à 323 000 euros le montant total des décisions prises de manière irrégulière, notamment par de fausses délibérations, des passations de marchés sans mise en concurrence, des frais de missions non justifiés et des indemnités irrégulières. Par ailleurs, la Chambre régionale des comptes estime que « l’ancien DGS a tiré un profit personnel des décisions prises » et évalue ces « avantages indus » à près de 64 000 euros, notamment en ne respectant pas les conditions d’attribution de son logement de fonction (pas de diminution de sa prime de fonctions, pas de taxe d’ordures ménagères, paiement forfaitaire des charges sous-évalué).

  • Détournements de fonds

Un agent municipal aurait, en 2019, « bénéficié irrégulièrement de trois virements pour un montant total de 10 626 euros […] réalisés sur la base de factures falsifiées ». La communauté de communes aurait également été victime de tels agissements pour un montant estimé à 115 000 euros. La commune et TernoisCom ont porté plainte contre X dans cette affaire, mais l’ancien directeur général des services et l’ancien maire ne seraient donc pas impliqués, sauf à considérer le manque de contrôle.

  • Situation financière

L’épargne brute de la collectivité « s’est redressée depuis 2019 et sa solvabilité financière […] est satisfaisante, d’autant que le niveau de trésorerie à la fin de l’exercice 2020 lui offre des marges de manœuvre », selon la Chambre régionale des comptes, estimant même que la « trajectoire financière [est] en voie de restauration ». La capacité d’autofinancement demeure fragile, même si elle se maintient au-dessus du seuil d’alerte. Néanmoins, « ce niveau satisfaisant aurait cependant été plus favorable sans les coûts induits par les errements de gestion relevés précédemment ».

Le maire, Benoît Demagny, a présenté ces éléments au conseil municipal avec ses interprétations, mais son prédécesseur n’était donc pas présent pour apporter ses explications et objections. La parution du rapport complet nous permettra de revenir et d’analyser tous ces sujets, avec les avis des deux parties et celui impartial de la Chambre régionale des comptes. Pour l’instant, seuls les détournements de fonds présumés font l’objet d’une instruction par la justice, même si certains points, notamment les fausses délibérations, pourraient à leur tour engendrer des poursuites.


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