La ville de Frévent est dans une situation « critique » selon le rapport de la Chambre régionale des comptes des Hauts-de-France. Les magistrats ont épluché les finances des années 2017 à 2022 et leurs conclusions sont alarmantes : « La situation financière de la commune s’est dégradée, dès 2018, en raison de l’augmentation des charges de personnel et des charges générales. […] L’autofinancement ne permet plus de rembourser le capital de la dette. La capacité de désendettement atteint 22 années au 31 décembre 2022. » Pour la CRC, « un seuil de dix à douze ans est considéré comme critique » : la ville de Frévent affiche quasiment le double. D’ailleurs, déjà en 2019 et surtout en 2022, la commune n’avait plus la capacité d’autofinancement (solde des recettes moins les dépenses de fonctionnement) suffisante pour rembourser l’annuité de la dette : il manquait plus de 115 000 euros l’an dernier. Pour 2023, la commune a prévu de vendre des biens communaux pour rembourser ses emprunts, une réponse ponctuelle à cette crise : « La commune ne dispose pas de marge de manœuvre suffisante en réalité : elle n’est déjà plus capable […] de couvrir le remboursement de l’annuité en capital des emprunts déjà souscrits. »
La rénovation du groupe scolaire « financièrement hors de portée »
Or, Frévent a besoin et même prévu de continuer d’investir, notamment pour la rénovation de l’école : « La perspective d’avoir à rénover le groupe scolaire Saint-Exupéry […] apparaît aujourd’hui financièrement hors de portée », prévient la CRC. Annoncée à plus de 10 millions d’euros hors taxes, cette opération coûterait en l’état 8 millions d’euros à la commune, ce qui reste un montant considérable au regard des finances communales : « En l’état de sa situation financière, la commune n’a pas les moyens de rénover cette école, même en étalant les investissements dans le temps. […] Elle n’a plus réellement les moyens financiers d’entretenir et rénover son école. […] Le projet de rénovation apparaît surdimensionné et difficilement soutenable financièrement », répète le rapport. De plus, Frévent a été retenu dans le dispositif “Petites villes de demain” qui vise à revitaliser la commune avec un certain nombre de subventions possibles, mais qui nécessite néanmoins que la ville mette la main au portefeuille. La CRC remarque d’ailleurs que « la commune n’a pas de réelle visibilité sur le coût du programme ni sur les engagements financiers de ses partenaires. Elle ne sait donc pas ce qu’elle devra financer, directement ou indirectement, sur ses ressources propres. »
Un taux d’imposition qui reste élevé, malgré des baisses successives
La priorité pour la collectivité – du moins d’après la CRC – est de « restaurer la capacité d’autofinancement ». Pour cela, deux possibilités : augmenter les recettes et/ou diminuer les dépenses. Côté recettes, le principal levier pour la commune reste l’imposition : la taxe foncière communale est passé de 31,65 % en 2016 à 27,65 % en 2023 dans l’espoir « d’attirer de nouveaux commerces ». Malgré ces baisses successives, Frévent affiche encore un « niveau bien supérieur au taux moyen » des villes de la même strate : « Le niveau de taxe foncière y reste donc élevé, ce qui limite les marges de manœuvres de la commune, d’autant plus que les revenus de sa population y sont faibles. » Peu d’espoir donc de résoudre l’équation en augmentant les recettes.
Des équipements municipaux surdimensionnés et une réduction du personnel communal nécessaire
Reste les coupes dans les dépenses. La CRC souligne d’ailleurs que, à l’instar du groupe scolaire qui a perdu une centaine d’élèves en dix ans, les équipements municipaux peuvent être surdimensionnés, compte-tenu de la baisse de la population : « Il est nécessaire pour la commune de prendre en compte la baisse de sa population, qui l’expose au risque d’infrastructures et d’équipements toujours plus surdimensionnés et mal entretenus ». Par ailleurs, la CRC a constaté que malgré le transfert à TernoisCom en 2017 de la gestion de la médiathèque, de l’école de musique et d’une partie des missions du CCAS, les charges n’ont pas diminué significativement. Le rapport fait même état d’un « dérapage » des dépenses en 2018 et d’une nouvelle dégradation importante en 2022. Les charges de personnel restent le principal poste de dépenses avec 1,8 million d’euros en 2022, soit 53,2 % du budget. La CRC remarque d’ailleurs que « la commune dispose de marges de manœuvres sur le personnel non-titulaire, qui représentait plus de 6 % des dépenses de personnel en 2022 » et que « des économies pourraient être recherchées sur la masse salariale, en mutualisant certains services avec la communauté de communes ou d’autres communes du territoire ». De plus, certaines actions de la ville empiètent sur les compétences de TernoisCom, notamment le CCAS dont le financement représente plus de 10 % des charges de fonctionnement en 2022.
Renouer le lien avec TernoisCom et demander des « moyens financiers conséquents »
Ça tombe bien : lors de son élection au poste de maire en octobre dernier, Johann Delarche soulignait sa volonté de renouer les relations avec l’intercommunalité (La Voix du Nord, 28 octobre 2023). Pourtant, dans sa réponse de dix pages à la CRC, il n’épargne pas l’interco’ : « Dans l’intérêt général, il est temps que TernoisCom mette les moyens financiers conséquents pour soutenir les projets de ses centres-bourgs en général et Frévent en particulier », signait dans sa réponse à la CRC le maire par intérim d’alors, qui proposait même de refiler le groupe scolaire à l’intercommunalité, tout comme le musée-moulin Winterberger. Il suggérait également que les “Petites villes de demain” bénéficient d’un « principe d’exception » avec des projets subventionnés à 100 %, des prêts à taux zéro ou encore le versement des subventions avant travaux. Il faudra bien cela pour que la municipalité de Frévent ait les moyens d’appliquer son programme. Plus concrètement, Johann Delarche s’est engagé à « réduire progressivement le personnel municipal » par le non remplacement de certains départs. La municipalité a également pris des engagements sur la transparence financière et la communication envers les citoyens, conformément à la législation. Depuis le début du contrôle par la CRC, les comptes-rendus des conseils municipaux et les délibérations sont publiés sur le site internet de la ville, où les habitants peuvent désormais télécharger le rapport d’observations de la Chambre régionale. Ils pourront aussi prochainement y trouver les autres délibérations de la séance du 12 décembre, où la municipalité a voté à l’unanimité des demandes de subventions pour des projets d’un montant total de 400 000 euros : au moins, les jeunes de Frévent peuvent encore espérer un planchodrome à 200 000 euros, pas comme à Saint-Pol !