Distorsion de la réalité : deux cents personnes hypnotisées par de la culture à Saint-Pol

Après plusieurs mois de résidence sur le territoire, Jean Christophe Cheneval et Olivier Lautem ont proposé ce mardi 31 mai le spectacle Ouïr l’inouï à travers un parcours sonore original imaginé dans le centre-ville de Saint-Pol-sur-Ternoise.

La pendule du campanile s’est arrêtée sur 9h25. À ce moment très précis, Saint-Pol a basculé dans une autre dimension. Même si les aiguilles ne bougeaient plus, les heures étaient toujours marquées par la mélodie du carillon, mais le fracas des cloches était remplacé par un souffle d’orgue. Le jingle de la SNCF et les annonces de trains étaient audibles jusque dans les bureaux du Gobelin : pourtant, aucun article ne mentionnait un déménagement de la gare – si c’était vrai, ce serait déjà dans le Gobelin du Ternois. Et quels étaient ces cris féminins qui émergeaient d’on ne sait z’où ?

Plus qu’un Parcours sonore, c’est toute une journée de distorsions du réel qui a fichu sens dessus dessous les repères des habitants du centre-ville de Saint-Pol et d’ailleurs : « J’étais dans mon jardin à Saint-Michel, j’ai entendu des bruits. Je suis venu voir », confiait l’intrigué David. Il a découvert deux cents personnes réunies au pied du campanile, devant un tracteur qui avait privatisé le lieu pour déployer ses bras pulvérisateurs au son d’une flûte traversière ; une cantatrice revisitant l’hymne des Pères la Joie depuis un étage du campanile : « Chantons, Pères la Joie, et semons la gaieté ! Du bonheur, c’est la voie ; chantons, c’est la santé ! » « On va la faire comme ça à la prochaine ducasse », se murmuraient deux des meuniers. Ils ont découvert une autre version de leur tube à l’imprimerie Hanocq. La rythmée cacophonie des rotatives, massicots, assembleuses et plieuses s’était accordée pour révéler un orgue de barbarie jouant vous savez quoi, tandis que dansait une jeune abeille ventriloque que suivaient aveuglément des dizaines d’auditeurs. Ils étaient si nombreux que les saxophonistes installés dans l’obscurité de la chapelle Saint-Benoît-Labre ont dû s’y reprendre à deux fois pour transporter toute l’assistance dans une inquiétante jungle où rodent de bruyantes créatures, genre des canards mais flippants – pas autant pour autant que la mélodie de Trois cafés gourmands soufflée par l’accordéoniste posté à l’entrée de la chapelle.

Sonné par l’expérience, le troupeau s’est laissé emporter place Lebel par la babillante abeille. Amassés dans la cour de l’immeuble Zoëte, les auditeurs étaient cernés par les murs qui renvoyaient les bruits de pas du fantôme du donjon de Bours, les crissements de son parquet, les claquements de ses portes, le tout sous les terrifiants visages figés au-dessus des fenêtres qui semblaient prendre vie. D’autres pas se firent ensuite entendre dans l’auditorium de l’école de musique, provenant des couloirs de l’abbaye de Belval : un moment de répit après l’incarnation du tableau L’Enfer de Brueghel – abrité au musée Picot de Saint-Pol – par des six cordes endiablées. Après une transition en douceur avec des adaptations musicales des rassurants paysages du Ternois, les voyageurs se sont réveillés sous les applaudissements saluant le travail de Jean-Christophe Cheneval et Olivier Lautem, bergers de cette redécouverte sonore du Ternois.

Hymne des Pères la Joie par une cantatrice :
https://youtube.com/shorts/cCBhpNPUZvg


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