La Promesse Verte : palme d’horreur

Faire voler des avions avec du carburant durable ? C’est ça, l’escrologie de La promesse verte que dénonce le réalisateur Édouard Bergeon dans son deuxième long métrage. Après s’être plongé dans le quotidien – autobiographique – d’un agriculteur vendéen pris dans l’engrenage productiviste, il est parti à l’autre bout du monde pour parler de la déforestation et de ses conséquences jusque dans nos campagnes. Pour dénoncer cette catastrophe écologique et sociale, le documentariste a choisi la fiction : difficile de documenter les pressions, la corruption, les pressions, les arrangements entre les industries et le politique, l’expropriation – voire le massacre – des autochtones… En revanche, avec une fiction, il suffit de raconter une histoire.

Ici, celle de Carole (Alexandra Lamy), mère de famille, qui découvre avec horreur que son fils Martin (Félix Moati) est accusé de trafic de drogue et condamné à mort en Indonésie : un coup monté visant à le faire taire, alors qu’il essayait de documenter les ravages de la déforestation. De la prison de Djakarta aux bureaux des ministres, la mère va se retrouver au milieu d’un labyrinthe d’enjeux de pouvoir et d’influence, dans lequel elle va devoir manœuvrer pour sauver son fils. En suivant son parcours, on découvre le massacre de la forêt primaire d’Indonésie pour produire de l’huile de palme qu’on retrouve dans tant de produits de notre quotidien, jusque dans le réservoir de nos véhicules. Évidemment, les intérêts financiers derrière ce business sont considérables et il est dangereux de s’y attaquer.

Édouard Bergeon, Alexandra Lamy et Christophe Rossignon ont présenté La Promesse Verte au Régency en avant-première.

Le film met en lumière la face cachée de cette soi-disant production durable, finalement délétère pour la planète, et ses conséquences pour la population locale mais aussi pour les agriculteurs français qui se retrouvent face à une concurrence déloyale. Cette mondialisation est illustrée avec de longs plans sur les paysages indonésiens et français, deux univers si différents et pourtant profondément connectés. Mais pour offrir ces produits garantis “durables” à l’Occident qui ne veut pas se salir les mains, certains n’ont aucun scrupule à saigner la forêt primaire d’Indonésie, magnifiée dans le film avec de longs plans contemplatifs et une ambiance sonore apaisante – jusqu’à l’arrivée du vacarme des tronçonneuses.

L’exercice de la fiction ne permet pas de traiter en profondeur tous les enjeux de la déforestation, mais expose les mécanismes à l’œuvre dans un capitalisme mondialisé où l’argent prime sur tout le reste : « Vous êtes au cœur d’enjeux économique et politiques qui vous dépassent. Que votre fils soit innocent ou non, ce n’est même pas le problème », prévient un ministre de la République. L’enjeu de la sauvegarde de la planète semble bien loin de ses préoccupations, alors que les habitants humains de la forêt de Bornéo l’ont compris depuis longtemps : « L’homme blanc détruit la forêt pour ses propres besoins, mais à la fin, tout le monde meurt, y compris l’homme blanc. »

Retrouvez l’interview d’Alexandra Lamy, du réalisateur Édouard Bergeon et du producteur Christophe Rossignon dans le n°1 du magazine du Gobelin.

À voir cette semaine au cinéma Le Régency


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