A la pêche aux déchets dans la Ternoise, on ne revient jamais bredouille

Au point de rendez-vous de Gauchin-Verloingt, les pêcheurs ne sont que deux en ce premier samedi de mars. L’ouverture n’est prévue que la semaine prochaine, mais la société de pêche La Gaule Populaire a invité ses membres et les amoureux de la nature à une opération de nettoyage de la Ternoise et de ses berges. La matinée pluvieuse a sans doute découragé une partie des volontaires, mais ce ne sont pas quelques gouttes qui effraient les rois de la gaule : « Les pêcheurs, ils râlent tout le temps, mais quand on fait quelque chose, il n’y a personne », peste Joeren – que beaucoup appellent Jérôme par commodité – avec son accent hollandais. Trésorier de la société de pêche, il organise et participe depuis trois ans à l’opération de nettoyage. Pour son acolyte, c’est une première : tout juste retraité, Pierre souhaite découvrir la pêche et profite de l’action pour rencontrer de futurs camarades et découvrir les parcours. Nous partons donc à trois, équipés de solides sacs-poubelle et de gants, vers La Planche, le petit pont qui enjambe la Ternoise au bout de la rue du Marais, où les promeneurs sont nombreux le dimanche comme en semaine. Sur les berges, il suffit de se baisser pour ramasser les canettes, bouteilles et emballages en tout genre. En quelques minutes, un premier sac-poubelle est rempli. Les deux pêcheurs remontent aussi de belles pièces : un pneu et un volant de voiture. En suivant le cours de la rivière, nous revenons au moulin, où un fossé est plein d’autres bouteilles de mauvaise bière, canettes de boissons énergisantes, emballages et même de sacs-poubelle déjà pleins et fermés. Sous le pont, des branches ont constitué un petit barrage retenant les déchets flottants. Le Hollandais enfile ses cuissardes de pêche pour nettoyer le passage de part en part de la rivière. Les sacs remplis sont entreposés dans une remorque et d’autres distribués pour poursuivre le ramassage en aval du moulin.

Les poissons traités contre les pneumopathies grâce à l’Amoxicilline

Aucun chemin ne longe la rivière, mais des passages sont aménagées dans les clôtures pour faciliter la circulation des pêcheurs – mais aussi des promeneurs qui sont libres de les emprunter. La Ternoise est basse, après plusieurs jours d’ensoleillement anormaux pour une fin février. Les déchets sont échoués sur les rives et facilement accessibles. Loin des routes et zones habitées, les ordures ont été charriées par la rivière jusqu’au milieu des champs, même si certaines ont pu être abandonnées par des pêcheurs ou des riverains. Difficile pourtant d’imaginer qu’un pêcheur soit venu se raser au bord de la rivière et ait oublié son rasoir électrique en partant. Et comment expliquer la présence d’un morceau de pare-chocs long d’un bon mètre dans le lit de la rivière ? Pendant que les ramasseurs remplissent leurs sacs, un petit objet brillant dévale la Ternoise : un emballage de pilules. Trois sont toujours protégées, la quatrième a commencé à se dissoudre : grâce à l’antibiotique Amoxicilline, les poissons et autres habitants de la Ternoise seront traités contre les pneumopathies, bronchites chroniques ou cystites aiguës. Au moins, ça ne prend pas trop de place dans le sac-poubelle, contrairement aux barbelés, bouteilles et canettes de toutes contenances. Un dernier bidon d’huile de moteur bien nettoyé dans la rivière finit de remplir mon sac. Nos besaces sont pleines et nous remontons la rivière, chargés de nos trouvailles, échangeant sur la pêche, le temps, la famille, les poissons, le boulot ou la retraite. La vie, quoi.

« On est venus avec quelques copains, on a découvert de super endroits »

Après plus de deux heures de promenade, il est temps de rejoindre les autres volontaires : direction le terrain de football de Monchy-Cayeux. Répartis sur neuf secteurs tout au long de la Ternoise, depuis la source de Saint-Michel jusqu’à Blangy, ils étaient ainsi une trentaine à nettoyer la rivière. Des pêcheurs essentiellement, mais pas seulement : « On a eu l’aide de quatre jeunes à Saint-Michel. Grâce à eux, on a été vraiment efficaces et on a pu couvrir une zone bien plus grande », saluait Michel Hocrelle, de la société de pêche. « On est venus avec quelques copains, on a découvert de super endroits. J’y retournerai bien cet été avec les enfants », sourit Marinette, satisfaite d’avoir passé un après-midi alliant l’utile à l’agréable. La jeune mère de famille avait repéré l’événement sur Facebook, tout comme ce pêcheur qui a fait le trajet depuis Laventie : « Je suis déjà venu pêcher dans la Ternoise. C’était l’occasion de redécouvrir les parcours. Je prendrai peut-être même ma carte ici, l’année prochaine. » Les volontaires prennent la pause pour la photo autour des deux remorques-bennes, puis trinquent à la fin de l’opération. Aujourd’hui, il ne s’agit pas de comparer la taille des poissons capturés, mais les déchets les plus surprenants. Le bac de tondeuse à gazon s’est imposé par la taille, mais les sacs-poubelle contenant des cadavres en décomposition de canards et de poulets constitueront la plus incompréhensible des découvertes. Au moins, la Ternoise est un peu plus propre et ses habitants à écailles ou à plumes ont encore quelques jours pour profiter de leur nouvel environnement en toute quiétude.

Opération Hauts-de-France propres : la région organise des actions de nettoyage de la nature les 22 et 23 mars. En voici quelques-unes dans le Ternois, d’autres sont à retrouver sur le site Internet de l’opération.
22 mars : Saint-Pol
, rendez-vous à 9h, à la gare. Neuville-au-Cornet, rendez-vous à 10h, face à la mairie.

23 mars : Roëllecourt, rendez-vous à 9h, à la salle des fêtes. Hernicourt, rendez-vous à 14h, au 20 rue de Belval, hameau de Saint-Martin. Diéval, rendez-vous à 14h30, à l’entrepôt de l’atelier communal.

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