TernoisCom : la Chambre régionale des comptes écorne la bonne gestion affichée

« Ce n’est pas inquiétant. Nous l’avons bien pris, même si nous ne sommes pas forcément d’accord avec ce qui est recommandé », a lancé en introduction le président de TernoisCom lors de la présentation au conseil communautaire du rapport de la Chambre régionale des comptes – CRC – qui a enquêté sur la gestion de la communauté de communes de 2017 à 2020. Pour Marc Bridoux, tout va pour le mieux, malgré trois rappels au droit et cinq recommandations, dont il « a pris bonne note ». Pourtant, la CRC a relevé un certain nombre de dysfonctionnements qui écornent la bonne gestion et la transparence affichées depuis des années, évoquant même plusieurs manques concernant « la sincérité du budget », « la fiabilité des prévisions budgétaires », ou encore les informations à destination des élus, qui apparaissent d’ailleurs peu impliqués dans la gestion de la collectivité et de ses projets.

Des emprunts supérieurs aux besoins de financement, générant d’importantes charges financières

De plus, le rapport souligne également que l’intercommunalité « a accumulé une trésorerie importante de 23,6 millions d’euros qui ne traduit pas une gestion optimisée » et qu’elle « supporte des charges financières qui pèsent directement sur sa capacité d’autofinancement ». En effet, tandis que la trésorerie de la collectivité n’a cessé de progresser, l’endettement s’est également aggravé : TernoisCom doit donc régler des charges financières liées aux emprunts, tandis que sa trésorerie « pléthorique » ne lui rapporte rien. Ainsi, en 2020, la collectivité a souscrit des emprunts pour des montants deux fois plus élevés que ses besoins. Cette même année, les charges liées ont atteint plus de 700 000 euros : une somme qui aurait pu alimenter l’autofinancement plutôt que d’engraisser les banques. Le président Bridoux a expliqué au conseil communautaire et à la CRC avoir voulu profiter de taux d’intérêts bas pour contracter des emprunts afin de financer des projets à venir. Sauf que la Cour des comptes ne l’entend pas de cette oreille : « L’EPCI (NDR : Établissement public de coopération intercommunale) paye trop précocement des intérêts sur des emprunts à long terme. […] Le maintien de la stratégie actuelle fondée sur l’accumulation d’une trésorerie abondante n’a pas vocation à perdurer. Elle génère, en effet, un coût financier qui limite l’autofinancement. » La CRC invite donc TernoisCom à définir « l’élaboration d’un plan d’optimisation de la trésorerie », voire à envisager « une baisse de la pression fiscale ». Une suggestion balayée par Marc Bridoux : « La réponse est non. On est dans un cycle de baisse des dotations. Ceux qui n’ont pas une trésorerie suffisante vont devoir actionner l’augmentation des taux, c’est imparable. »

« Ce manque de fiabilité des prévisions budgétaires ne permet pas au conseil communautaire d’apprécier l’intérêt et le niveau des contributions publiques. »

Rapport de la Chambre régionale des comptes sur la communauté de communes du Ternois

Cette proposition pourrait être évoquée lors du débat d’orientations budgétaires, mais celui-ci « fait l’objet de peu de remarques et d’échanges », d’autant que le rapport présenté « ne contient pas toutes les informations prévues par la réglementation »  : « Les éléments financiers mis à disposition des élus communautaires et des citoyens sont partiels, ce qui n’est pas sans exposer les délibérations à des risques juridiques. » En effet, la CRC a relevé des « anomalies dans la tenue des documents budgétaires » et estime qu’ils « ne donnent pas une image fidèle des comptes ». Elle souligne surtout que les comptes des “restes à réaliser” – c’est à dire les engagements financiers qui n’ont pas été effectués au cours de l’année – sont mal tenus : TernoisCom a pris l’habitude d’inscrire les montants financiers de l’ensemble des projets prévus sur plusieurs années. La collectivité équilibre ainsi ses dépenses budgétaires de l’année, même si elle sait que les projets ne seront concrétisés que plus tard. Le président Bridoux « justifie cette pratique par une volonté de “réserver” des crédits destinés à financer des opérations pluriannuelles considérées comme “certaines” », mais « cette intention contrevient aux règles budgétaires », objecte la CRC, qui a fait apparaître que cette présentation fausse le taux d’exécution des budgets : ainsi, en 2019, ce taux ne devrait pas être de 93,4 % comme indiqué dans le compte administratif, mais seulement de 33,1 %. Par ailleurs, les dépenses apparaissent surévaluées et les recettes sous-évaluées  : « ce manque de fiabilité des prévisions budgétaires ne permet pas au conseil communautaire d’apprécier l’intérêt et le niveau des contributions publiques », relève la CRC, qui déplore également l’absence d’une commission intercommunale consacrée aux finances.

Des commissions peu réunies et certaines totalement vides

Dans sa réponse écrite, le président de TernoisCom argue que « c’est le bureau communautaire qui fait office de commission finances », précisant même lors du conseil communautaire qu’il faut « avoir quelques connaissances comptables et d’analyse financière », sous-entendant que les délégués communautaires ne seraient pas tous en mesure de s’approprier ces sujets. La CRC relève par ailleurs que la conférence des maires n’a toujours pas été mise en place, malgré l’obligation légale introduite en décembre 2019. Marc Bridoux a expliqué que la crise sanitaire a compliqué le travail depuis l’installation du nouveau conseil communautaire, en juillet 2020. De plus, il a rappelé que tous les maires sont représentés au conseil communautaire : même s’il craint de tomber dans la « réunionite », il s’est engagé à appliquer cette disposition réglementaire. Reste à savoir si les élus du territoire y trouveront véritablement un intérêt puisque lors des réunions « les points abordés font l’objet de peu de débats », comme le relève la CRC qui remarque également que les douze commissions « ne se réunissent pas fréquemment (une à deux fois par an) » et même que certaines « ne comportent pas ou peu d’élus », bien qu’ils soient cent trente trois à siéger. Après avoir « pris bonne note » des observations de la CRC, le président Bridoux s’est engagé à mettre en œuvre les recommandations et les obligations légales, ni plus ni moins.

Si vous souhaitez consulter l’intégralité du dossier, vous pouvez consulter :
-> le rapport d’observations définitives de la Chambre régionale des comptes
-> les réponses du président de la communauté de communes


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