Moral des entrepreneurs : l’argent magique ne fait pas le bonheur

« On parle peu de l’impact psychologique de la crise sanitaire sur les entrepreneurs, alors qu’il est prégnant. Ce mal-être va faire beaucoup plus de dégâts que les questions financières », prévient André Genelle. Le directeur de l’association Initiative Artois-Ternois-7 Vallées a analysé les résultats d’une enquête* lancée fin novembre auprès d’une centaine de dirigeants accompagnés par sa structure, dans le cadre d’une étude nationale baptisée « Survivre avant de rebondir : les entrepreneurs face à la crise économique et sanitaire ». « Sur le plan financier, les entreprises ne vont pas si mal pour l’instant grâce aux aides de l’État et des collectivités. Jusqu’à présent, les trésoreries ont été soutenues avec des prêts garantis et le report des prélèvements obligatoires, mais tout cela devra être payé à un moment ou un autre, dans les mois à venir », remarque André Genelle, qui s’inquiète plutôt de l’état psychologique des chefs d’entreprise : « L’impact financier viendra dans quelques semaines, mais les conséquences psychologiques de la crise sont déjà palpables : les entrepreneurs ne peuvent pas se projeter à cause de l’incertitude du lendemain. Un quart d’entre eux ne savent pas s’ils pourront poursuivre leur activité en 2021. Étonnamment, nous avons constaté beaucoup moins de défaillances d’entreprise que les autres années, grâce aux différentes aides, mais les difficultés sont devant nous. »

Au printemps dernier, 73 % des sondés se disaient optimistes, ils n’étaient plus que 44 % à la fin de l’année

Enquête Initiative Artois-Ternois-7 Vallées

Ainsi, 48 % des entrepreneurs interrogés estimaient que leur trésorerie ne leur permettrait pas de tenir plus de trois mois. Lors d’une précédente étude menée au printemps dernier, 73 % des sondés se disaient optimistes, ils n’étaient plus que 44 % à la fin de l’année ; dans le même temps, les pessimistes sont passés de 11 à 19 %. Les résultats locaux sont globalement assez proches de ceux recueillis au niveau national, mais un écart interpelle : 57 % des entrepreneurs ont développé de nouveaux produits depuis le début de la crise sanitaire, mais ils ne sont que 27 % sur l’Artois-Ternois-7 Vallées. D’ailleurs, près de 10 % des entreprises consultées au niveau national ont su chevaucher le tigre et estiment que la crise a eu un impact positif, voire très positif, sur leur activité ; elles ne sont que 6 % à l’échelle locale. Néanmoins, ces dernières semblent avoir mieux résisté que dans le reste du pays et 31 % d’entre elles n’ont pas constaté d’impact grave ou positif (26 % au niveau national).

« Je pense qu’on aura un effet à retardement, les grandes difficultés sont devant nous. »

André Genelle, directeur d’Initiative Artois-Ternois-7 Vallées

Évidemment, de fortes disparités existent selon les secteurs d’activité : « Les plus touchés sont les hôtels, cafés et restaurants. En revanche, les artisans, notamment dans le bâtiment, ont été assez peu affectés. Les commerçants qui proposaient déjà de la vente en ligne se sont professionnalisés, d’autres ont appris à mieux utiliser les réseaux sociaux », rappelle André Genelle. Jusqu’à présent, les entreprises du territoire ont souffert mais mieux résisté qu’au niveau national, même si 22 % des entrepreneurs interrogés n’ont pas pu se rémunérer en 2020. Dans le même temps, 95 % des répondants ont préservé les emplois au prix d’efforts et de sacrifices, sans en faire une variable d’ajustement. Néanmoins, l’avenir est plus inquiétant : seuls 59 % des sondés du territoire pensent maintenir ou créer des emplois et ils sont 39 % à se demander s’ils pourront conserver leurs salariés. Tout dépendra évidemment de la reprise de l’activité économique dans les prochains mois, mais là encore, c’est l’incertitude : fin 2020, 52 % des entrepreneurs interrogés craignaient un troisième confinement ; 48 % redoutaient la baisse durable de la consommation des Français ; et 41 % s’inquiétaient des remboursements de prêts et reports de charges. « Je pense qu’on aura un effet à retardement, prédit André Genelle. Néanmoins, nous avons la chance d’avoir des territoires ruraux où on peut trouver à peu près tout ce dont on a besoin. Il nous faut acheter localement et soutenir au mieux nos petits commerces. Quant aux entrepreneurs en difficulté, ils ne doivent surtout pas rester isolés ou hésiter à solliciter de l’aide : mieux vaut prendre des mesures rapidement plutôt qu’attendre d’être à bout. Les grandes difficultés sont devant nous. »

* Enquête réalisée du 26 novembre au 13 décembre auprès de 99 dirigeants de très petites et petites entreprises suivi par Initiative Artois-Ternois-7 Vallées

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