Les agriculteurs méritent mieux que Sylvie Brunel pour les défendre

Sylvie Brunel n’est pas climatosceptique, elle est pire que ça : elle ne nie pas le changement climatique, elle s’en réjouit presque, y voyant même des opportunités. « Plus de CO2 dans l’atmosphère, c’est plus de photosynthèse ! », affirme-t-elle, en constatant que la Russie, le Canada ou l’Alaska voient de nouvelles terres agricoles se libérer. Géographe, économiste, écrivaine, professeure à la Sorbonne ou encore ancienne présidente d’Action contre la faim, Sylvie Brunel affiche un CV et une production littéraire longs comme un jour sans pain. Avec son dernier ouvrage Pourquoi les paysans vont sauver le monde ?, elle semblait être l’invitée idéale pour conclure l’assemblée générale du GEDA – groupe d’études et de développement agricole – du Ternois, qui s’efforce d’intégrer la transition agroécologique sur le territoire. Pourtant, à écouter Sylvie Brunel, ces efforts sont inutiles.

« On nous présente un monde fini, mais les ressources sont un flux, pas un stock : une ressource est toujours virtuelle tant qu’elle n’est pas valorisée. »

Autoproclamée défenseure des agriculteurs, la conférencière a démarré son intervention en annonçant qu’elle était « très gênée par l’écoanxiété », un discours qu’elle juge « démobilisateur », estimant que « l’écologie doit être une opportunité » : « Les discours sur l’écologie sont ultra-anxiogènes, ils nous promettent le pire avec l’effondrement, la collapsologie, c’est de la folie ! » D’ailleurs, la finitude du monde n’est pour elle qu’une vue de l’esprit : « On nous présente un monde fini, mais les ressources sont un flux, pas un stock : une ressource est toujours virtuelle tant qu’elle n’est pas valorisée. Nier cela, c’est faire fi de l’intelligence humaine. Toutes les solutions sont dans la valorisation du végétal. » Après tout, s’il faut remplacer le plastique issu du pétrole, les agriculteurs peuvent fournir des produits biosourcés, mais aussi produire de l’énergie grâce à la méthanisation ou même des biocarburants. L’ancienne présidente d’Action contre la faim semble oublier que détourner les productions agricoles de l’alimentation entraîne une hausse des cours qui affectent les populations qui en dépendent. Même dans le Ternois, des éleveurs peinent à acheter du maïs pour leurs bêtes, les cultivateurs préférant les vendre à un meilleur prix aux méthaniseurs, ce que ne mentionne pas Sylvie Brunel qui se dit pourtant « très proche des producteurs de maïs ».

« Arrêter la viande, c’est de la folie, quand on voit la faim dans le monde. Ne devenons pas bêtes à bouffer du foin ! »

Si elle reconnaît la réalité du changement climatique (NDR : en 2019, elle signait une lettre à l’ONU estimant qu’il n’y avait pas d’urgence climatique), elle minimise la part de l’agriculture dans les émissions de gaz à effet de serre : lorsqu’elle présente un graphique attestant que les activités agricoles représentent un tiers des émissions dans le Ternois, elle suggère à ses auditeurs de réaliser leurs mesures : « Vous avez besoin de faire vos propres analyses sur vos émissions. » Ce n’est pas en cassant le thermomètre qu’on fait tomber la fièvre, mais Sylvie Brunel n’est pas là pour soigner les maux : elle brosse le modèle agricole dans le sens du poil. Concernant l’élevage, elle conspue évidemment les végétariens : « Arrêter la viande, c’est de la folie, quand on voit la faim dans le monde. Ne devenons pas bêtes à bouffer du foin ! » Fière de sa punchline, elle omet de mentionner que l’élevage représente 18 % des émissions de gaz à effet de serre selon la FAO, dont elle cite pourtant les chiffres lorsqu’ils servent son propos. Elle voit la production laitière comme du « pétrole blanc », celle de céréales comme du « pétrole doré », et imagine les paysans en « ageekulteurs » : « Vous êtes des managers de la photosynthèse qui pilotent le vivant avec une précision millimétrique. » La conférencière défend le productivisme à tous crins pour nourrir la population mondiale, estimant que « pour partager, il faut produire », sans jamais remettre en cause les fondements du système économique qui étrangle les agriculteurs et les empêche de vivre dignement de leurs productions. Évidemment, Sylvie Brunel ne dit pas que des conneries : elle souligne les problèmes liés aux semences, au foncier, à la gestion de l’eau, aux énergies, aux contraintes réglementaires et sociétales. Mais plutôt que d’inviter les agriculteurs à se questionner sur leurs modes de production et à trouver des alternatives – comme s’efforce de le faire le GEDA du Ternois – elle s’évertue à défendre un modèle productiviste délétère pour les agriculteurs et leur environnement. On ne sauvera pas le monde sans les agriculteurs, mais sûrement pas avec Sylvie Brunel : avec des amis comme ça, ils n’ont pas besoin d’ennemis.


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