St-Pol : nuit de recueillement sous les hurlements des cochons de l’abattoir

« En arrivant, je n’y croyais pas, mais mon cœur s’est emballé quand j’ai réalisé qu’il s’agissait bien des cris des cochons. » Antoine est venu avec deux amies depuis Lillers. A trente-quatre ans, il découvre pour la première fois un abattoir. « Nous entendons les animaux qui vont passer toute la nuit là, en attendant la mort. Ils le sentent, ils le savent. C’est égoïste de continuer à consommer des produits animaux quand on sait que ça cause autant de souffrance. Nous sommes là pour eux », explique Eva, le regard triste tourné vers l’établissement Bigard d’où émergent les hurlements porcins. Lorsque les trois Lillérois rejoignent le lieu de rendez-vous, les gendarmes sont plus nombreux que les manifestants. Mais petit à petit, les défenseurs de la cause animale arrivent de toute la région, d’Arras, de Calais ou encore de Tourcoing, jusqu’à constituer un groupe d’une vingtaine de personnes à la tombée de la nuit. La plupart ne se connaissent pas, ils ont entendu parler de la « Nuit debout devant les abattoirs », organisée par l’association 269 Life Libération Animale, grâce aux réseaux sociaux ou à des amis et se sont débrouillés pour se rendre dans la zone industrielle de Saint-Pol. A peine majeurs ou sexagénaires, végétariens ou végans, certains militent dans des associations (notamment L214), d’autres partagent simplement la même empathie à l’endroit des animaux.

« C’est dur, mais ça l’est surtout pour ceux qui sont à l’intérieur. »

Parmi les derniers arrivés, Amélie reste prostrée sur le parking d’Herta lorsqu’elle entend monter les cris depuis l’abattoir. Elle craint de ne pas supporter d’entendre cette clameur incessante, elle savait que ce serait difficile. Elle s’arme de courage, d’un briquet et s’avance pour allumer ses bougies. « C’est dur, mais ça l’est surtout pour ceux qui sont à l’intérieur », relativise Benjamin, venu de Boulogne-sur-Mer. Les gendarmes surveillent de loin la manifestation pacifique, subissant eux aussi le concert des cochons, sans y rester insensibles : « Les manifestants défendent une cause noble, on peut les comprendre même si on n’est pas forcément d’accord avec eux. »

A 21 heures, François Duterrier, organisateur de la manifestation (lire notre interview), invite les participants à se réunir pour une minute de silence, ou plutôt de recueillement car le silence est impossible sous les braillements ininterrompus des porcs. Le rassemblement se veut solennel. Des bougies et des fleurs sont étalés sur le sol, des pancartes accrochées à l’entrée du site. La minute de recueillement se répète toutes les heures et des textes tirés du recueil Désobéir pour les animaux sont lus. Une jeune fille écrase une larme et allume à son tour des bougies, disposées en cœur autour d’un bouquet de fleurs. Les flammes brillent dans la nuit, vacillent sous le vent, puis s’éteignent une à une, comme les vies des animaux derrière les grilles de l’abattoir.

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