Au collège Salengro comme ailleurs, les pions se rebiffent et demandent les moyens de leurs ambitions

« Je ne fais pas grève tout le temps, mais vu ce qu’il s’est passé ces dernières semaines, il était inconcevable de ne pas suivre le mouvement. Il faut qu’on montre ce qu’on vit au quotidien. » Dorothée* est assistante d’éducation au collège Salengro de Saint-Pol. Mardi dernier, elle a voulu exprimer son ras-le-bol et a rejoint la journée de grève nationale des surveillants, tout comme six autres de ses collègues : « Une seule n’a pas participé, mais elle n’est arrivée que la semaine dernière pour un remplacement. » L’appel national a trouvé un écho au collège de Saint-Pol où les surveillants dénoncent des manques de moyens, qui sont devenus d’autant plus criants avec la crise sanitaire : « Depuis la reprise au mois de mai, notre travail est bousculé. On doit faire appliquer le protocole sanitaire au détriment de nos missions de base et des liens qu’on peut créer avec les élèves. On se retrouve à faire de la distribution de gel à chaque heure aux entrées et sorties du collège. »

« On ne peut pas accueillir tout le monde en salle de  permanence et les élèves se retrouvent dehors, à réviser sur les marches, le cahier sur les genoux. »

Le collège Salengro a dû prendre des dispositions pour se plier au protocole sanitaire et éviter au maximum le « brassage » des élèves. La sédentarisation (NDR : maintien des élèves dans une même classe et circulation des enseignants) a été abandonnée à la demande des professeurs et contre l’avis de la directrice : « On a eu beaucoup de problèmes de discipline et de surveillance quand les élèves se retrouvaient seuls dans une classe durant les intercours, rapporte Dorothée. Le collège est vaste, avec deux bâtiments de plusieurs étages, on ne peut pas avoir un œil partout, d’autant que nous sommes aussi mobilisés sur d’autres tâches. On ne peut pas se couper en quatre. » De plus, le collège ne compte que huit surveillants, dont deux à temps plein, avec une rotation qui implique qu’ils ne soient jamais tous présents simultanément : leur effectif est calculé par rapport au nombre d’élèves, indépendamment des spécificités de l’établissement. Comme aux échecs, les pions sont en première ligne face à la pandémie de covid-19 : « Depuis septembre, on est sur le front, on est très exposés. On surveille les réfectoires, on se retrouve pendant deux heures au milieu des enfants qui ne portent pas de masque. Avec le protocole sanitaire, on ne peut pas accueillir tout le monde en salle de  permanence et les élèves restent dehors, à réviser sur les marches, le cahier sur les genoux. S’il pleut, ils sont mouillés. La plupart des collégiens s’astreignent au port du masque, mais beaucoup le portent mal, ne le changent pas régulièrement… On perd beaucoup de temps à rappeler les règles, mais je trouve que les élèves sont vraiment conciliants, vu toutes les contraintes qu’on leur impose. Ils n’y sont pour rien, c’est pour eux qu’on fait ce boulot. »

« On est souvent la dernière roue du carrosse alors qu’on est de véritables couteaux suisses pour les établissements. »

La crise sanitaire met en exergue des problèmes déjà connus, notamment sur le manque de moyens, cristallisant la grogne des assistants d’éducation : « On tire sur la corde au quotidien : quand tout va bien, on a un surveillant pour une centaine d’élèves. Quand un collègue est absent, on s’arrange pour le remplacer, puisqu’on ne peut pas demander de remplacement ponctuel. On a des contrats courts d’un an et on ne peut être en poste que pour un maximum de six ans : après, c’est “tchao bye !”. On n’a pas de statut, parfois pas de formation. On est souvent la dernière roue du carrosse alors qu’on est de véritables couteaux suisses pour les établissements. » Avec cette grève, les surveillants ont montré toute leur utilité, contraignant à Salengro la principale et son équipe à jouer les pions le temps d’une journée, tandis que d’autres établissements ont dû fermer leurs grilles. Quant à Dorothée, elle s’interroge sur la suite de sa carrière : « A la longue, c’est pesant de devoir être partout, tout le temps, sans avoir de reconnaissance. J’aime ce que je fais, j’adore travailler avec les enfants, mais je me demande s’il ne s’agit pas là de ma dernière année. »

* Dorothée : le prénom a été modifié.

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