Avertissement : l’auteur de cet article est membre de l’Agora du Ternois qui a élaboré ce projet avec la municipalité de Saint-Pol.
Il n’existerait pas d’argent magique, selon le Président de la République. Pourtant, quand on a vingt-cinq euros en poche, on pourra bientôt acheter pour cinquante euros dans les commerces de Saint-Pol. Évidemment, comme dans tous les tours de passe-passe, cela nécessite un subterfuge : pour réussir cette acrobatie défiant les lois les plus essentielles de l’économie, il suffit d’utiliser des Polopolos !
« Les habitants d’autres villages vont pouvoir acheter ces Polopolos, mais ils ne pourront être utilisés que dans les commerces de Saint-Pol. »
Benoît Demagny, maire de Saint-Pol
Dans un premier temps, trente mille billets à l’effigie des Pères la Joie vont être imprimés et pourront être dépensés jusqu’à la fin de l’année dans une soixantaine de commerces de la ville. Un bon de cinq Polopolos vaudra cinq euros dans lesdits commerces. Là où c’est vraiment magique, c’est qu’une partie de ces faux billets pourront être acquis à la moitié de leur valeur. Mieux : les 2 800 foyers saint-polois vont recevoir, directement dans leur boîte aux lettres, deux bons d’une valeur totale de dix euros. Évidemment, cet argent magique vient forcément de quelque part et le maire de Saint-Pol a dévoilé les détails de l’opération en conseil municipal : « C’est un beau projet de coopération entre des entreprises qui vont donner de l’argent, des commerçants et la ville, c’est-à-dire la municipalité et ses citoyens. C’est un gain de pouvoir d’achat pour les habitants de Saint-Pol mais aussi d’ailleurs. Ça peut choquer car des personnes d’autres villages vont pouvoir acheter ces Polopolos, mais ils ne pourront être utilisés que dans les commerces de Saint-Pol. En faisant cela, certains pourront se dire qu’il vaut peut-être mieux faire ses courses dans les magasins de la ville plutôt que sur Internet. »
« Il faut une ville dynamique pour pouvoir recruter. Une ville qui se meurt n’attire personne et on ne peut pas accueillir les talents pour les entreprises. »
Benoît Demagny, maire de Saint-Pol-sur-Ternoise
Si l’opération est une réussite totale, 270 000 euros pourraient être injectés dans l’économie locale, le montant final dépendant surtout des dons des entreprises : la ville s’est engagée à verser un euro pour chaque euro obtenu. En juillet dernier, Benoît Demagny annonçait déjà près de quinze mille euros de promesses de dons auprès des entreprises Descamps-Lombardo, Intermarché et Duffroy. Le patron de Saint-Pol escompte bien faire jouer son réseau et le sens de la responsabilité territoriale des entreprises locales pour atteindre le plafond espéré de 40 000 euros : « L’innovation est d’avoir une solidarité avec les entreprises. Les commerçants pouvant recevoir des Polopolos doivent avoir une surface inférieure à 300 m² : la grande-distribution ne va pas en bénéficier mais va donner de l’argent. Les entreprises souhaitent participer parce qu’elles croient au projet, mais aussi parce que – je l’ai constaté quand j’étais chez Ingredia – il faut une ville dynamique pour pouvoir recruter. Une ville qui se meurt n’attire personne et on ne peut pas accueillir les talents pour les entreprises. Des mairies nous ont dit qu’elles allaient proposer des Polopolos à leurs agents plutôt que des chèques Cadhoc. À la ville de Saint-Pol, les agents avaient cinquante euros de chèques Cadhoc, ils auront à la place cinquante euros en Polopolos. On a tous un objectif commun : redynamiser Saint-Pol. »
« Aujourd’hui, soixante-cinq commerçants ont choisi de participer au projet. C’est énorme, je ne m’attendais pas à un tel engouement. »
Karine Descamps, adjointe à l’innovation et à la participation citoyenne
Pour mettre en scène cette volonté commune, le projet a été confié à l’Agora du Ternois, une jeune association regroupant des entreprises du territoire et dont fait partie Karine Descamps, également adjointe à l’innovation et à la participation citoyenne : « L’Agora est un espace de réflexion, de coopération, regroupant des dirigeants d’entreprises classiques et de l’économie sociale et solidaire. On y parle de l’économie de demain, des nouvelles façon de vivre, dans tous les domaines. On s’est demandé comment faire pour que les clients retournent chez leurs commerçants. L’idée est de donner du pouvoir d’achat à dépenser exclusivement dans les commerces de la ville. Aujourd’hui, soixante-cinq commerçants ont choisi de participer au projet. C’est énorme, on a un large catalogue, je ne m’attendais pas à un tel engouement. C’est un vaste projet de coopération entre les donateurs, les commerçants, la municipalité et les habitants. » Les Polopolos pourront être utilisés à partir du 2 novembre et jusqu’au 31 décembre. L’opération devait débuter mi-octobre, mais la complexité du dispositif a nécessité de prendre nombre de précautions légales. Il a même fallu y mêler la région Hauts-de-France, si bien que l’affaire est remontée aux oreilles de Xavier Bertrand, comme le rapporte Benoît Demagny : « Le Président m’a laissé un message en me disant : “Chapeau, chapeau bas pour ce que vous êtes en train de faire à la ville de Saint-Pol”. » Peut-être de quoi inspirer le futur candidat à la Présidence de la République : « Des Polopolos pour tous ! » (à ne dépenser qu’à Saint-Pol évidemment).
Plus d’infos à venir sur les modalités du dispositif Polopolos.
La liste des commerçants participants est disponible sur :
https://www.agoraduternois.fr/projet-monnaie-locale