Ce n’est pas encore la foire agricole, mais le centre-ville de Saint-Pol a déjà vu un beau défilé de tracteurs jeudi soir, quand le bruyant cortège des Jeunes Agriculteurs a traversé la ville pour aller déverser sa colère. « Ce ne sont pas les premières actions dans le Pas-de-Calais, mais on n’avait rien fait dans le Ternois depuis novembre, quand on a retourné les panneaux. C’était le premier message de “On marche sur la tête”, un message d’alerte pour dire que si rien ne bougeait, nous, on allait bouger. Nous avons demandé certaines choses, on nous a dit qu’on allait faire le nécessaire, mais rien n’est acté. Alors on continue de mettre la pression. »
Cette fois, ils ont voulu interpeller symboliquement ceux qu’ils tiennent pour responsables de la crise agricole : l’État, les industriels et les distributeurs, ici représentés par le centre des finances publiques – qui a reçu la part du lion – l’usine Herta et les supermarchés Leclerc et Intermarché. Avec à chaque fois, des revendications ciblées, pour dénoncer une crise systémique : « C’est une situation assez générale : il faut des prix nous permettant d’être assez rémunérés, résume Clément Caron, président des Jeunes Agriculteurs Ternois Ouest. On a visé le centre des impôts parce que l’État continue d’ajouter des réglementations pour nous mettre des bâtons dans les roues. Il y a eu des annonces, mais rien n’est acté pour l’instant. On nous a enlevé les jachères pour l’année 2024, mais l’année prochaine, ça va être le même cirque et on sera encore présents. » Les deux grandes enseignes de distribution ont été averties également : « Chez Leclerc et Intermarché, on a mis un avertissement parce qu’on est allé contrôler les prix et les origines. Certes, ils essaient de jouer le jeu, ils font de la filière locale, mais ça ne représente pas grand-chose par rapport à leur chiffre d’affaires, pourtant ils font leur pub là-dessus. »
Enfin, symbole des industriels, Herta a reçu son lot de lisier et de pneus : « On vise l’industrie Herta parce qu’ils travaillent avec du porc dont la moitié n’est pas français. On sait que la filière porcine est en déclin, mais si les éleveurs étaient mieux rémunérés, il y en aurait plus. » Les Jeunes Agriculteurs avaient bien préparé leur action en amont et ont été encadrés par la gendarmerie pour sécuriser cet inhabituel cortège nocturne : « On fait ça le soir, après notre journée de travail, et pour ne pas embêter les gens. Ils n’y sont pour rien. » Vraiment ?