En février dernier, deux salariées de l’ADMR de Saint-Pol faisaient condamner leur employeur : le conseil des prud’hommes avait considéré qu’elles étaient en droit de se faire payer les temps de déplacement et frais kilométriques qui étaient rectifiés à la baisse, voire supprimés sur les fiches de paie. Quatre mois plus tard, le système est resté le même, comme le confirme la responsable de l’ADMR, Mélissa Ducrocq : « Nous n’avons rien changé du tout. Il s’agit de deux cas personnels qui ont eu gain de cause sur une partie de leurs doléances. Le jugement du tribunal s’appuie sur le Code du Travail, alors que nous appliquons la convention collective et un accord de branche. Nous n’avons pas fait appel car l’association a d’autres priorités que de perdre de l’argent sur des détails peu intéressants. On a préféré expliquer aux salariés l’indemnisation par une note de service. Sous prétexte qu’elles ont eu gain de cause au tribunal, ces deux salariées ne sont pas d’accord sur l’application de la convention collective et l’accord de branche, ce qui amène à une situation de conflit. »
« Le premier mois après le jugement, tout allait bien, puis on a vu que nos relevés étaient de nouveau corrigés. Bref, c’est retour à la case départ. »
Myriam Noé et Isabelle Leclercq, syndicalistes CGT à l’ADMR de Saint-Pol-sur-Ternoise
En effet, Myriam Noé et Isabelle Leclercq ont ressorti le drapeau de la CGT pour tracter auprès de leurs collègues et les inviter à réclamer à leur tour leur dû. Les syndicalistes ont choisi de venir le jour où toutes les salariées viennent signer pour récupérer leur paie et leur planning du mois à venir : « On travaille toutes chacune de notre côté, on n’a pas l’occasion de se croiser et c’est difficile de faire passer les infos. » Les cégétistes ont donc passé la journée à alpaguer leurs collègues à la sortie de l’antenne de Saint-Pol pour leur expliquer leur vision de la situation : « Lorsque nous avons plus d’une heure de pause entre deux interventions, les temps de déplacement et les frais kilométriques ne sont pas rémunérés par l’ADMR. De plus, lorsqu’ils sont payés, ils sont souvent rectifiés à la baisse. Le premier mois après le jugement, tout allait bien, puis on a vu que nos relevés étaient de nouveau corrigés. Bref, c’est retour à la case départ », déplorent Myriam Noé et Isabelle Leclercq. « On aime notre métier, mais là, c’est écœurant, on travaille pour la gloire », peste Sandra Frevaque. Suppléante CGT au Comité économique et social, elle n’a pas participé au recours engagé par ses camarades, mais envisage de le faire à son tour, en espérant que d’autres se saisissent du sujet : « Les salariés doivent demander leurs documents de contrôle. On a du mal à avoir nos relevés kilométriques et quand on y arrive, on est bien déçues. »
« L’instauration de l’heure de coupure a été décidée voici des années avec l’employeur. D’autres structures proposent beaucoup moins. »
Mélissa Ducrocq, responsable de l’ADMR de Saint-Pol-sur-Ternoise
La direction confirme d’ailleurs effectuer des corrections : « Un contrôle est réalisé, comme dans toutes les structures. Parfois, il nous arrive de corriger à la hausse. En revanche, on ne rembourse que les kilomètres dans notre zone d’intervention, pas lorsque les salariées habitent hors secteur », précise Mélissa Ducrocq. La responsable de l’association locale souligne également que l’antenne de Saint-Pol a des accords plus favorables que d’autres entreprises similaires, y compris d’autres ADMR : « L’instauration de l’heure de coupure a été décidée voici des années avec l’employeur. D’autres structures proposent beaucoup moins. De plus, on considère que la convention collective et l’accord de branche sont plus intéressants que le Code du Travail. » Finalement, la direction et les frondeuses sont d’accord sur les faits, mais ont des lectures différentes : pour l’ADMR, les règles sont respectées et plutôt favorables aux salariées ; pour les représentantes de la CGT, leurs droits sont bafoués et leurs collègues perdent de l’argent avec le système en vigueur. Elles espéraient d’ailleurs que la décision des prud’hommes puisse faire jurisprudence à l’ADMR locale, mais aussi dans d’autres services d’aide à la personne. « J’en avais entendu parlé », remarque une salariée en lisant le tract de la CGT : « C’est bien beau de nous dire à chaque fois qu’on fait un boulot difficile, mais on ne gagne déjà pas grand-chose… Bon courage et merci à vous ! », lance la jeune femme à ses représentantes, avant de reprendre la route pour apporter son aide, souvent indispensable, à nos concitoyens dans le besoin.
Annexes :
– note de service de l’ADMR expliquant l’indemnisation des frais de déplacement et de trajet
– tract de la CGT distribué aux salariés le 24 juin