En cette septième année du règne d’Emmanuel Ier, notre bon comte Waléran III de Luxembourg eut la merveilleuse idée de convoquer ses sujets en son château de Saint-Pol pour leur rappeler sa glorieuse histoire et celle de son comté. En costume d’apparat – inaugurant pour l’occasion ses nouvelles et rutilantes poulaines – notre seigneur arpenta joyeusement les allées du parc du château où étaient installés moult artisans qui partagèrent avec entrain tout leur savoir. Deux tailleurs de pierre ont fait montre de leurs talents, l’un formant les plus jeunes, l’autre œuvrant à reproduire le blason de notre bon comte. Dans la tente voisine, la petite famille de la Chainse et la Chaisne vaquait à ses occupations quotidiennes : tandis que le père de famille réparait sa cotte de mailles, son épouse s’affairait aux tâches ménagères, rafistolant les vêtements, ou battant le beurre – salé évidemment, pour ces sujets du duc de Bretagne. De la même manière, la famille d’Aeterna dressait la table sous sa tente, à côté de celle flamboyante du comte de Saint-Pol, où s’étalaient ostensiblement ses richesses et son mobilier ouvragé, et où il prit grand plaisir à recevoir les chroniqueurs venus recueillir sa sage parole. Mais Waléran III devait également remplir d’autres obligations liées à son rang et s’assurer du bon déroulement des festivités pour ses convives, notamment pour son invité de marque, le duc de Créalid : si ce pauvre duc avait réussi à rejoindre Saint-Pol depuis la Normandie, ce ne fut pas le cas de ses porteurs et il fut contraint de recruter sur place des volontaires pour le promener sur le site ! Les trois musiciens de Tormis ne firent pas tant de simagrées et parcouraient gaiement les allées en répandant leurs entraînantes mélodies. Leurs instruments ne se turent que pour laisser exploser le fracas des armes lors du tournoi à pied en l’honneur de notre seigneur : les mercenaires du Sangliers du Ferrain s’affrontèrent avec courage et humour dans l’amphithéâtre, sous le regard amusé de Waléran III. Si notre bon seigneur témoigne toujours d’une grande clémence, ce ne fut pas le cas du ciel qui refroidit les visiteurs, peu en clin à affronter les éléments. Ils furent néanmoins plus de trois cents à honorer leur seigneur de leur présence, mais nul doute qu’en d’autres circonstances, le succès eut été digne de notre bon comte. Espérons que ce dernier ne nous en tienne pas grief et qu’il aura de nouveau la bonne idée de nous réunir sous sa flamboyante bannière !