“La plus belle pour aller danser” : âge tendre et tête de bois

« Je suis venue avec mon père pour voir Pierre Richard, mais on a également découvert un très beau film ! » Installée au premier rang dans la salle du Régency, Aurélia – qui se définit comme une « groupie » – a passé une merveilleuse soirée : elle a rencontré son idole, décroché sa dédicace et découvert en avant-première La plus belle pour aller danser. Pierre Richard ne tient pas le premier rôle dans cette comédie familiale, mais joue le mentor de Marie-Luce, une collégienne un peu trop intello pour être populaire, incarnée par Brune Moulin qui fait ses premiers pas devant la caméra. « Cette petite n’avait jamais joué mais elle comprenait tout de suite ce qu’on attendait d’elle. À mon avis, elle va faire une très grande carrière », prédit le comédien qui a tourné plus de quatre-vingts films, et pourtant n’avait jusqu’alors jamais été dirigé par une femme. Cet honneur est revenu à Victoria Bedos qui est passée pour la première fois de l’écriture à la réalisation. Après le succès de La famille Bélier dont elle a co-signé le scénario, la fille de Guy Bedos s’est largement inspirée de son histoire personnelle pour La plus belle pour aller danser : « J’ai eu une jeunesse de merde. J’étais tout le temps collée aux adultes, j’ai appris plein de choses, mais moi aussi, j’aurais bien voulu être invitée aux soirées avec les autres. Je voulais raconter le rapport père-fille, comment certains papas ont du mal à communiquer avec leur fille qui grandit. Mon père avait du mal à me laisser grandir. J’étais une sorte de Marie-Luce ! », confie Victoria Bedos. Néanmoins, elle n’a pas eu à se travestir en garçon pour s’incruster à la fête de ses camarades, comme elle l’a imaginé pour Marie-Luce qui se transforme en Léo et devient populaire – particulièrement auprès de son crush – ce qui donne lieu à de cocasses situations et à un imbroglio bien ficelé.

Ce scénario a d’ailleurs touché Pierre Richard et l’a convaincu de camper le Albert, le vieux copain de Marie-Luce : « J’ai toujours fait des choses qui m’amusait. Si un scénario ne me plaisait pas, je refusais. Là, le personnage était très joliment écrit et très plaisant à jouer. Je n’ai jamais eu trop de rapports avec mon père, ou très peu. Je ne m’étais pas trop occupé de mon premier enfant non plus », confesse le comédien qui est parfaitement rentré dans le costume – et la robe de chambre – d’Albert, un dandy goûtant ses vieux jours dans une pension de famille. Il y partage son quotidien en compagnie de joyeux retraités qui font tourner en bourrique le directeur – incarné par l’excellent Philippe Katerine – qui s’occupe plus de ses vieux que de sa fille. « La comédie permet de faire passer des messages de façon légère. J’essaie de faire du drôle avec du triste. Mon père citait souvent Kierkegaard : “L’humour est la politesse du désespoir” », rappelle Victoria Bedos, elle qui, adolescente, se promenait en lisant ouvertement les œuvres du déprimant Cioran (Sur les cimes du désespoir, De l’inconvénient d’être né…) pour alerter son entourage – tout comme le fait Marie-Luce.

Touchant de multiples thématiques (l’homosexualité et son acceptation, le regard des autres, la vieillesse, la mort, le déni…), le film réussit à conserver un ton très léger et à maintenir l’équilibre entre de très bonnes blagues et des moments plus touchants, sans jamais sombrer dans le pathos. Le casting est impeccable, avec une éblouissante Brune Moulin dans le double rôle de Marie-Luce/Léo, un Philippe Katerine à contre-emploi et une brochette d’anciens qui s’amusent comme des gamins : « Certains jeunes sont très vieux dans leur tête, et parfois ce sont les vieux qui sont en fait les plus jeunes. Quand on est adolescent, on peut être enfermé dans des peurs qui empêchent d’être libre. Quand j’avais quinze ans, j’en avais quatre-vingt-dix dans ma tête. Albert a un comportement plus adolescent que Marie-Luce, c’était même le cas sur le tournage ! », s’amuse Victoria Bedos, aujourd’hui complètement libérée et qui s’amuse follement dans son nouveau rôle de réalisatrice. Alors, si votre ado lit Cioran, tout n’est pas perdu, mais touchez-en lui un mot et allez ensemble voir La plus belle pour aller danser.


Soutenez-nous!
Le Gobelin du Ternois est gratuit et le restera grâce à vous!
Soutenez Le Gobelin du Ternois sur Tipeee Soutenez Le Gobelin du Ternois sur Tipeee