Par Jean-Baptiste Leroy, professeur au collège Salengro de Saint-Pol sur Ternoise
« Capitales européennes, de la guerre à l’Union », c’est l’intitulé du voyage proposé aux élèves de troisième du collège Salengro. Quarante-huit jeunes, encadrés par quatre enseignants, ont ainsi bouclé un périple qui les a menés à travers la France, la Belgique et les Pays-Bas du 3 au 7 juin. Des capitales, ils en ont visitées trois : Strasbourg – où siège le Parlement européen, Bruxelles et Amsterdam, avec comme fil directeur l’idée de la construction européenne, idée au cœur du programme d’histoire de l’année de troisième. Autrement dit, comment un continent qui s’est déchiré durant la Seconde Guerre mondiale a tourné la page des divisions et s’est lancé dans une expérience inédite – et semée d’embuches – de coopération visant à garantir et promouvoir la paix, la liberté, la sécurité et la prospérité de près de 450 millions d’habitants.
« De la guerre… »
La visite du « War museum » de Bastogne a permis de réviser le déroulement de la Seconde Guerre mondiale avec, ici comme point d’orgue, « l’attaque de la dernière chance » lancée par l’Allemagne nazie dans les Ardennes belges pour couper l’armée anglo-américaine en deux à la Noël 1944. Les atrocités de la guerre, déjà étudiées en classe, ont quant à elles pris un aspect concret durant la visite du camp de concentration de Natzweiler-Struthof, implanté dans l’Alsace occupée par l’Allemagne nazie entre 1941 à 1944. Dans une atmosphère pesante, les collégiens ont découvert que ce camp avait la double mission d’exploiter une main d’œuvre servile, notamment dans une mine de granit rose, mais aussi de « rééduquer par le travail » les déportés politiques. Les déportés raciaux, plus mal traités encore, étaient promis à une mort lente. Le silence s’est fait plus grave encore dans la chambre à gaz, dans les salles destinées aux expériences « médicales » et à côté du four crématoire encore présent. Les élèves n’oublieront pas que plus de 52 000 personnes passèrent par ce camp et ses annexes. Ils n’oublieront pas que plus de 20 000 d’entre elles n’en sont pas revenues.
Comprendre l’atrocité du génocide, c’est aussi comprendre que derrière les chiffres se cachent autant de destins individuels. Anne Frank est l’un d’eux. Ayant quitté l’Allemagne nazie pour fuir la politique antisémite avec sa famille, elle s’installe aux Pays-Bas. Rattrapée par la guerre, elle se cache avec sa famille et quatre autres personnes dans « l’annexe » d’un magasin d’Amsterdam avant d’être finalement, arrêtée, déportée et tuée en Allemagne en février 1945. Les jeunes Ternésiens ont été surpris de la petitesse de la cache, ils ont pu se représenter la vie d’une jeune fille de leur âge, coincée ici, dans le silence et la peur, pendant plus de deux ans.
« … à l’Union. »
Les plaies de la guerre pas encore cicatrisées, quelques visionnaires engageaient leur continent dans une coopération d’abord économique puis politique. C’est ce que rappelle aux visiteurs le « Parlementarium » de Bruxelles, centre interactif au cœur de la Commission européenne. Dans un petit hémicycle reconstitué, les élèves ont également débattu des enjeux de l’Union européenne : environnement, pouvoir d’achat, immigration… Quelques jours avant les élections européennes, la visite guidée du Parlement de Strasbourg a permis de revoir le complexe fonctionnement de l’Union européenne. Nombre de députés, langues utilisées, rôle des institutions… les collégiens, maintenant théoriquement incollables, sont prêts pour le brevet ! Clou de la découverte, l’hémicycle où siègent les députés. Pensez, avec 1 535 places, c’est le deuxième plus grand au monde !
Un voyage scolaire, c’est du scolaire… mais pas que.
Tout au long de leur périple, les élèves ont été invités par leurs enseignants à relater leurs découvertes et à donner leurs avis en réalisant de petits podcasts ou vidéos déposés ensuite sur le site Internet du collège. Lors de la visite du musée Van Gogh d’Amsterdam, chacun a dû sélectionner l’œuvre de son choix afin de la décrire et de justifier son choix auprès de ses camarades. Mais un voyage scolaire, ça ne se résume pas aux seules visites et activités pédagogiques. Un voyage scolaire, c’est aussi faire des heures de bus en regardant les paysages défiler, c’est passer les frontières, c’est arpenter des villes pour beaucoup inconnues, c’est s’essayer à la pratique de l’anglais, c’est se confronter à d’autres cultures. Un voyage scolaire, c’est quitter ses parents et son confort, c’est partager sa chambre, c’est s’allonger dans un couloir d’hôtel pour jouer aux « loups garous », c’est chanter à tue-tête dans le bus, c’est danser dans les rues de Bruxelles je t’aime, c’est accepter de prendre le petit déjeuner avec ses profs en pyjama sans être coiffé-e ou maquillé-e – et ce n’est pas toujours facile quand on est ado… Un voyage scolaire, enfin, c’est se fabriquer des souvenirs. C’est manquer de sommeil, c’est rire, c’est pleurer – un peu quand même, c’est renforcer des amitiés, c’est en nouer d’autres. Un voyage scolaire, c’est grandir. Espérons que ce voyage renforcera l’envie de ces futurs citoyens européens de s’ouvrir aux autres, de découvrir le monde, de s’unir dans la diversité.