Yannick : merde !

La dernière fois que j’ai vu un film de Quentin Dupieux au cinéma (le pourtant excellent Le Daim, au Régency), un des spectateurs est sorti de la salle, scandalisé. Le problème au cinéma, c’est qu’on ne peut pas interpeller directement les responsables. Alors qu’au théâtre, les acteurs sont à portée de main (de baffe même, diraient certains) et les spectateurs pourraient se lever et interrompre la pièce pour protester. Personne ne fait ça. Sauf Yannick. Quand ce gardien de parking quitte sa banlieue, pose une journée de congés pour monter à la capitale, prend le métro, marche jusqu’au théâtre, il veut être diverti. Mais il a opté pour une pièce de boulevard, mal jouée par trois comédiens, devant une salle à moitié vide. Les spectateurs rigolent néanmoins, mais pas Yannick qui, faisant fi des conventions sociales, se lève et dit ouvertement que c’est de la merde. Avec ses mots à lui, son accent, ses expressions approximatives, son franc parler. Amusés puis agacés, les autres spectateurs et les comédiens se moquent de lui, jusqu’au moment où il sort un flingue, rendant son avis beaucoup plus audible.

Pour son douzième long métrage, Quentin Dupieux a délaissé le fantastique et s’est concentré sur un scénario simple, un huis clos épuré, mais porté par des personnages truculents. Les dialogues sont ciselés, les répliques cinglantes et Raphaël Quenard incarne avec justesse le banlieusard béotien débarquant tel un chien dans un jeu de quilles dans l’univers guindé du théâtre parisien, représenté par Blanche Gardin, Pio Marmaï et Sébastien Chassagne – qui jouent parfaitement les mauvais acteurs prétentieux. Le film pose intelligemment la question de la place du spectateur, du mépris de classe, avec un rythme soutenu (le film dure à peine plus d’une heure) et un humour grinçant, mais néanmoins bienveillant à l’égard du personnage de Yannick. D’ailleurs, le preneur d’otages finit par susciter de la sympathie auprès des spectateurs du théâtre, mais aussi de ceux de la salle de cinéma. Après tout, quel bien fou cela doit faire de pouvoir se lever et dire que c’est nul ! Tout comme il est plaisant d’applaudir les œuvres bien écrites, bien jouées, bien pensées. Sans liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur ! (Le Mariage de Figaro : Acte 5, scène 3 -. Beaumarchais)

À voir cette semaine au Régency


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