Transformer la voie verte de Saint-Pol à Auxi en véloroute : un contresens écologique pour les défenseurs de l’environnement

« La révolte se lève, c’est en train de bouger ! » Ardent défenseur de l’environnement, Michel Feutry sonne l’alerte sur les risques liés au projet de véloroute qui pourrait voir le jour sur l’ancienne voie ferrée  reliant Saint-Pol et Auxi-le-Château, fermée en 1958. Depuis, les rails ont été retirés et les trains ont été remplacés par des marcheurs, cavaliers et vététistes qui profitent d’un espace où la nature a progressivement repris ses droits, pour devenir un corridor biologique désormais protégé. Aménager une piste cyclable traversant le Ternois pourrait sembler une excellente initiative pour développer l’usage du vélo et donc contribuer à la réduction des gaz à effets de serre, alors pourquoi viennent-ils encore râler, ces écolos ? « Je ne suis évidemment pas contre l’usage du vélo, mais pas en mettant du macadam sur la voie verte : tout un écosystème s’est installé, avec une faune et une flore spontanée. C’est un des seuls corridors biologiques dans le Ternois. Nous ne sommes pas contre le principe des véloroutes, mais nous sommes contre ce projet-là », nuance Michel Feutry, approuvé par son camarade Frédéric Carette : « On marche sur la tête : on dépense des millions pour faire des trames vertes et là, on va encore dilapider de l’argent pour détruire celle qui existe déjà. »

« Si on met du macadam sur une bande de trois mètres de large sur vingt-trois kilomètres, on imperméabilise près de sept hectares de surface ! »

En effet, de nombreux animaux ont trouvé refuge dans la voie verte : écureuils, chevreuils, renards, blaireaux, ainsi que des espèces protégées comme des rapaces, chauves-souris, des bouvreuils pivoine ou les très rares vipères péliades. Des végétaux singuliers se sont également implantés, à l’instar de la laitue vivace ou de certaines orchidées. « Cet espace est vivant mais fragile » et ce ne sont pas les écologistes qui le disent, mais les panneaux du conseil départemental installés à chaque entrée de la voie, interdisant toute circulation de véhicules – y compris les vélos, même s’ils sont tolérés. Pourtant, c’est bien le département qui envisage de goudronner l’ancienne voie ferrée pour permettre aux cyclistes de circuler : pour l’instant, aucune décision n’est prise officiellement, néanmoins, ce tracé figure bien dans le schéma régional des véloroutes. Selon le cahier des charges national, les voies doivent offrir de trois à cinq mètres de largeur : « À certains endroits, la voie est trop étroite et il faudra abattre des arbres. Si on met du macadam sur une bande de trois mètres de large sur vingt-trois kilomètres, on imperméabilise près de sept hectares de surface ! Si on prend l’exemple de Ramecourt qui est déjà très touché par les inondations, ça ne va pas arranger la situation », remarque Michel Feutry, approuvé par Frédéric Carette : « Ce projet, c’est une autoroute à vélo sur un site naturel. On va tout foutre en l’air pour replanter ensuite. Il faudrait faire un inventaire de la faune et de la flore pour bien s’en rendre compte. Est-ce qu’une étude d’impact a été réalisée ? »

« Évidemment, un projet de véloroute est séduisant, mais beaucoup n’ont pas creusé les questions environnementales. »

Randonneurs et cavaliers arpentent régulièrement l’ancienne voie ferrée et craignent d’être exclus au profit des cyclistes : « Je fais du vélo mais je suis aussi randonneur et je vais souvent sur la voie verte, souligne Michel Feutry. On a déjà du mal à trouver des sentiers de randonnée, celui-là risque d’être déclassé s’il est aménagé en véloroute. Dire que c’est pour développer l’usage du vélo, c’est un alibi : c’est absurde de dire que ce sera utilisé pour aller au boulot ou à l’école, ce sera plutôt pour le tourisme. Si on veut vraiment favoriser le vélo, qu’on aménage les communes et les routes, qu’on intègre le vélo lorsqu’on fait des travaux, ce qui est loin d’être le cas. » Pour ces défenseurs de l’environnement, ce projet précis de véloroute est une aberration et ils espèrent que d’autres se saisiront du sujet : randonneurs, cavaliers, mais aussi vététistes ou encore les chasseurs dont le gibier peut se développer dans cet espace naturel préservé. « Évidemment, un projet de véloroute est séduisant, mais beaucoup n’ont pas creusé les questions environnementales. Il faut que les habitants s’approprient le sujet et se posent les bonnes questions », insistent les deux écolos, qui envisagent de lancer une pétition pour alerter la population et espèrent que le projet fera l’objet d’une consultation pour qu’ils puissent faire valoir leurs arguments : face à ce contresens écologique, la voie verte pourrait devenir une nouvelle zone à défendre. Certains s’y disent déjà prêts, n’hésitant pas à dénoncer une « escrologie ».


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