« Je suis au foyer de Monchy-Cayeux depuis quatorze ans. J’ai ma chambre, mais on prend nos repas en collectif. Si je veux faire des courses, je dois aller à Anvin à pied : deux kilomètres et demi à l’aller, deux kilomètres et demi au retour ! Sinon, on doit demander aux éducateurs de nous accompagner. Je veux mon appartement seul, c’est tout ! » À trente-quatre ans, Nicolas Volz attend avec impatience la construction des cinquante-quatre logements que l’ASRL prévoit dans la rue Faidherbe de Saint-Michel : un ensemble destiné aux personnes en situation de handicap, mais également ouvert à d’autres citoyens. Prévu sur la friche de l’ancien Gamm Vert, le programme a obtenu son permis de construire et les travaux vont débuter en janvier prochain, pour une durée estimée à un peu plus d’un an et demi. « C’est un projet qui nous tient vraiment à cœur, qu’on porte depuis quatre ou cinq ans, rappelle Bruno Masse, directeur général de l’ASRL. On est très heureux qu’il puisse aboutir pour les personnes qui habiteront ces logements et qui pourront vivre une citoyenneté plus proche de la nôtre : chacun pourra avoir son logement, s’inscrire dans la vie locale, profiter de la proximité de la gare, aller au cinéma… On va essayer d’apporter du dynamisme dans le quartier. » Une bonne nouvelle pour les riverains de la rue Faidherbe : « Quand j’ai découvert ce projet, je me suis dit que c’était une bonne chose, que ça allait ramener de la vie dans le quartier, du monde dans notre village », salue une Saint-Michelloise, venue assister à la réunion publique de présentation.
« Nos professionnels vont devoir repenser leur travail et leur accompagnement. Ça peut aussi poser des difficultés pour des personnes qui ont vécu durant vingt ans en collectivité. »
Bruno Masse, directeur général de l’ASRL
En effet, plus que des logements, c’est un lieu de vie et de rencontre qui a été imaginé : outre les cinquante-quatre logements individuels, les plans prévoient une petite épicerie, une laverie, une salle associative, ainsi qu’un parvis arboré, ouvert sur l’extérieur. Les résidents pourront également profiter de potagers, d’une cuisine pédagogique, de salles d’activités, d’espaces de promenades : « C’est un projet en semi-collectif : on vit ensemble, mais chacun chez soi. Les appartements sont reliés par des coursives, plutôt que des couloirs, pour offrir un accès direct sur l’extérieur. Les circulations sont entièrement piétonnes, les espaces de stationnement étant prévus sous les bâtiments. Les logements seront pratiques et fonctionnels, pensés sur le modèle de maisons individuelles », détaille Aude Montigny, du cabinet “O Architecture” qui s’est efforcé de matérialiser le projet de l’ASRL : favoriser au maximum l’autonomie des personnes accompagnées. « Auparavant, tout était en collectif, mais si on devait repenser le foyer de Canteraine aujourd’hui, on le ferait plutôt comme cela que comme un hôpital, avec de grands couloirs. Nos professionnels vont devoir repenser leur travail et leur accompagnement. Ça peut aussi poser des difficultés pour des personnes qui ont vécu durant vingt ans en collectivité et qui n’avaient qu’à poser les pieds sous la table. Nous allons devoir trouver de nouveaux modes de fonctionnement et donc des financements différents », prévient le directeur général, qui peut heureusement compter sur le Conseil départemental qui s’est engagé à subventionner le projet à hauteur de quatre millions d’euros – sur les quelque sept millions prévus – et l’Agence régionale de santé qui devrait également mettre la main à la poche.
« On pourra avoir un animal, choisir d’ouvrir ou non la porte à qui on veut. On aura une grande chambre, on pourra tout faire nous-mêmes, tous les deux. »
Guy Piette, retraité de l’ESAT de Saint-Michel
« Peut-être que ça coûtera un peu plus cher que prévu, à cause de la hausse des matières premières : il n’est pas impossible qu’on se retourne vers le département pour avoir une petite rallonge, prévient Bruno Masse. Ce n’est pas un projet grandiose, tous les espaces, jusqu’au moindre mètre carré, vont être utiles, on a essayé d’optimiser les surfaces. Mais on ne veut pas non plus d’un projet au rabais : on veut du beau, du solide, qui dure dans le temps. Ce n’est pas qu’un ensemble immobilier, il s’agit de créer un maximum de lien entre les habitants du quartier et les personnes suivies par l’ASRL, de développer leur autonomie, leur citoyenneté, une écologie du bien-être. Ça a un prix, mais c’est le prix du bien-vivre ensemble. » Le projet fait déjà rêver nombre de personnes accompagnées par l’ASRL, une promesse de nouvelle vie, plus libre et indépendante. À soixante-deux ans, Guy Piette est aujourd’hui retraité après avoir effectué toute sa carrière à l’ESAT de Saint-Michel et souhaite couler des jours heureux avec sa fiancée : « Pour l’instant, on est une dizaine à vivre ensemble rue d’Arras. Là, on pourra avoir un animal, choisir d’ouvrir ou non la porte à qui on veut. On aura une grande chambre, on pourra tout faire nous-mêmes, tous les deux. »
* ASRL : Association d’action sociale et médico-sociale des Hauts-de-France