Riposte féministe : les colles des femmes

“Le sexisme est partout, nous aussi” De Lyon à Brest, de Marseille à Amiens, à Paris ou dans la petite ville de Montbrison, des collectifs de collages féministes ont fleuri depuis quelques années en France. Sur ces quelque deux cents groupes, Marie Perennès et Simon Depardon en ont suivi dix pour « documenter leur action » : ces femmes se retrouvent en petits groupes pour coller des messages sur les murs des villes afin de dénoncer les violences sexistes, les féminicides, le patriarcat qui continue de régner partout. En se réappropriant l’espace public, marqué par des noms de rue glorifiant – dans l’immense majorité des cas – des hommes ou garnis des bites gribouillées, elles imposent leurs slogans drôles, violents, choquants, inspirés de leur quotidien : « On affiche des vérités que les gens ne veulent pas voir. Sur les murs, ils ne peuvent pas y échapper ». Elles témoignent aussi à leurs sœurs qu’elles ne sont pas seules, parce qu’un simple – en apparence – “Je te crois” peut parfois changer, voire sauver, une vie, lorsqu’au-delà du traumatisme d’une agression, les victimes se voient demander comment elles étaient habillées ou conseiller de s’arranger pour que ça n’arrive plus : “Même mon chien comprend quand je lui dis non”. Au fil du documentaire, on découvre de jeunes femmes – la plupart n’ont pas trente ans – qui racontent leurs histoires, toujours personnelles et pourtant similaires, et leurs combats.

“Ta main sur mon cul, ma main dans ta gueule

En se retrouvant pour leurs opérations de collage, elles puisent dans le collectif une force nouvelle qui leur permet en premier lieu de surmonter leurs peurs : « Sortir dans la rue sans être accompagnée d’un homme cis, c’est déjà un acte militant. Ça devrait être normal de pouvoir sortir la nuit. » Alors, elles sortent ensemble, en petits groupes, s’amusent, se défendent au besoin. Quand elles se réunissent pour préparer leurs messages, elles discutent longuement, racontent leurs parcours, débattent des actions à mener. La question de l’usage de la violence revient souvent, pour répondre à celle qui les oppresse symboliquement et littéralement, trop souvent jusqu’à la mort. À Amiens, les documentaristes ont filmé l’hommage à Manon, tuée en juillet 2020 par son ex-compagnon qui lui asséné dix-sept coups de couteau – mais s’est ensuite défendu d’avoir voulu la tuer. En 2021, cent vingt-deux femmes sont mortes sous les coups de leur compagnon ou de leur ex. Alors, coller des affiches permet aux militantes de « porter la voix de celles qui n’en ont plus », en s’en tenant – pour l’instant – à une violence verbale lorsqu’elles scandent que « le kérosène, c’est pas pour les avions, c’est pour brûler violeurs et assassins ». Car leur combat en rejoint d’autres contre le capitalisme, le fascisme, l’écocide : autant de tentacules du système patriarcal qui bâillonne et étouffe les minorités. Un système tellement bien implanté que même pour les victimes, la prise de conscience est difficile : « C’est dur d’être féministe, ça demande de faire des efforts, de repenser tout ce qu’on a appris, même en tant que femme. » Alors ces interminables discussions, où règnent écoute et bienveillance – sans un mâle prêt à couper la parole à la première occasion, permet à ces femmes de déconstruire leurs propres barrières, d’oser vivre comme elles l’entendent : “Mon corps, mon choix, ta gueule”. Une première victoire dans une guerre dont beaucoup savent qu’elles ne verront pas l’issue, mais qu’elles doivent mener, pour leurs filles, leurs petites-filles, car « sinon, qui va le faire pour nous ? ».

Riposte féministe
Sortie nationale le 9 novembre 2022
En avant-première au cinéma Le Régency le dimanche 23 octobre, en présence de la productrice Claudine Nougaret.

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