Deux semaines après la déferlante médiatique autour de l’abbaye de Belval et l’ouverture d’un nouveau centre d’accueil destiné aux migrants, la vie a repris son cours presque normalement. « Nous avons eu quelques appels de personnes qui avaient réservé le gîte ou l’hôtellerie et qui se demandaient si leur accueil était maintenu, mais nous faisons le pari de poursuivre nos activités, tout en accueillant ce centre d’accueil et d’examen des situations (CAES) », explique Bernard Trollé. Preuve que la presse fait bien son travail, c’est elle qui a informé le président de l’association Abbaye de Belval du projet de centre d’accueil pour une centaine de demandeurs d’asile. « Je l’ai appris lorsque nous avons reçu des tas d’appels de journalistes suite à l’annonce du ministre de l’Intérieur. Nous avons rencontré le préfet. L’Etat a insisté pour que nous ouvrions ce centre. Nous avons énormément de bâtiments vides et le projet était en accord avec nos valeurs. Nous avons accepté à la condition que ça n’affecte pas nos activités économiques et culturelles. La convention prévoit que nous puissions mettre fin à ce CAES si nécessaire. » Malheureusement, personne n’accepte de dévoiler les conventions qui structurent le projet.
“Ce n’est pas un centre pérenne”
En gros, l’État a conclu une convention avec la Vie Active qui gère le CAES pour le transport, la nourriture et l’accompagnement. La Vie Active paie un loyer pour une partie des bâtiments à l’association Abbaye de Belval, qui est elle-même locataire du site. L”association Saint-Benoît-Labre, constituée par les religieuses cisterciennes, reste propriétaire des lieux). L’accord des religieuses était donc nécessaire pour que l’État puisse engager les travaux dans l’aumônerie inoccupée de l’abbaye. Trois containers-dortoirs ont été installés loin des regards en attendant la réalisation des travaux. « Il s’agit surtout d’une remise aux normes pour la sécurité et l’accessibilité. Nous percevons un loyer, notamment pour l’eau et l’électricité, mais ce n’est pas cela qui va nous sortir de nos difficultés économiques. Ce n’est pas l’objectif », selon le président de l’association (qui déplorait un manque de cent cinquante mille euros lors de son dernier bilan et règle chaque année dix-neuf mille euros de loyer). « Nous avons d’autres projets, notamment une pension de familles pour accueillir les sans-abris vieillissants, qui pourraient se reposer, voire rester de façon définitive. L’accueil des migrants répond à une urgence, mais ce n’est pas un centre pérenne », assure Bernard Trollé.
La moitié des migrants est déjà repartie
Selon le président, la convention a été signée pour une période de six à huit mois à compter du 15 mai ; l’accord prendrait donc fin au mois de janvier. Pour le directeur de la Vie Active, la convention est conclue pour un an : « Si le centre ne répond pas aux besoins initiaux, nous reviendrons à un centre d’accueil et d’orientation (NDLR : accueil prolongé de demandeurs d’asile). L’objectif est d’éviter que toute la pression migratoire pèse uniquement sur Calais. Seuls les migrants ayant une chance d’obtenir l’asile sont susceptibles de venir ici. »
Sur la centaine de réfugiés annoncés, ils sont actuellement à peine cinquante, dont une quinzaine étaient déjà présents avant l’ouverture du nouveau centre. Plus de la moitié des nouveaux arrivants ont quitté les lieux. « L’objectif du projet est de traiter les demandes d’asile dans un délai de huit à quinze jours. Tout dépendra de la capacité de l’État à accélérer les procédures, nuance Guillaume Alexandre. L’abbaye peut être un point de chute pour certains, le temps pour eux de se mettre à l’abri dans de bonnes conditions. » L’abbaye offre un cadre idéal pour un week-end de détente ou une retraite spirituelle, mais peu de perspectives pour les réfugiés en quête d’une nouvelle vie outre-Manche. Certains profitent néanmoins d’un peu de répit et quelques-uns pourront peut-être trouver une issue à leur situation.