Aménager un canal depuis Arras jusqu’à Étaples, en passant par Saint-Pol et la Ternoise : le projet semble aujourd’hui farfelu mais était très sérieusement étudié au début du XIXe siècle. L’idée avait germé dans l’esprit de Vauban d’établir une liaison entre Arras et les ports de la Manche. Deux tracés ont été proposés : le favori consistait à passer par Avesnes-le-Comte et Frévent pour rejoindre la Canche, mais une alternative est apparue, proposant de relier les sources de la Scarpe et de la Ternoise. La ville de Saint-Pol s’est même prononcée en 1799, 1820 et 1835 pour défendre le projet face au tracé concurrent (1). Plus de cinq cents bateaux étaient attendus chaque année. « Les bateaux pourraient aller vers Saint-Pol, sur la partie de la Scarpe qui passe à Aubigny, Savi, traversant la route d’Arras à Saint-Pol au pont de Berlette en se dirigeant ensuite vers Vandelicourt (NDR : Berles-Monchel). De ce village, le canal projeté couperait de nouveau la même grande route vis-à-vis de Béthencourt, passerait derrière Tinques et Tinquette, allant à Roëllecourt où il irait se réunir aux eaux de la Ternoise, rivière qui, aujourd’hui, prend sa source à Saint-Michel. » Le canal aurait ensuite occupé le lit de la rivière en passant par Anvin et « Auchy-les-Moines ». Un tracé qui correspond à l’actuelle voie de chemin de fer, qui suit le cours de la Scarpe jusqu’à sa source, puis celui de la Ternoise.
Le projet de canal enterré au profit du chemin de fer
Le rail, justement, se développe à travers le pays, tandis que le projet du canal piétine, bien que des études soient à nouveau lancées sur les deux tracés en 1835 par l’Académie d’Arras. Une autre étude est conduite à Boulogne sur le même projet en 1837 (2), mais tout l’argent n’ayant pas été utilisé, le reste est affecté à l’examen d’un chemin de fer entre Arras et Étaples. Alors que le creusement d’un canal (passant finalement par Avesnes-le-Comte et Frévent) jusqu’à Boulogne est estimé à plus de dix-sept millions de francs, la ligne de chemin de fer entre Arras et Étaples ne reviendrait qu’à neuf millions de francs : « La dépense pourrait se réduire à huit millions, si l’on se bornait à faire un chemin qui dût pour toujours n’avoir qu’une voie. » Cette option est toujours en vigueur aujourd’hui.
Comme partout en France, le rail viendra supplanter le projet de canal pour assurer la liaison entre Arras et Étaples, jusqu’à récemment. Saint-Pol ne sera pas oublié par le chemin de fer, même s’il faudra attendre 1875 pour que fonctionne la « croix du Pas-de-Calais », avec des liaisons d’Arras à Étaples, et de Béthune à Abbeville, aujourd’hui appelée « étoile ferroviaire de Saint-Pol ». L’étoile a perdu sa branche vers Abbeville en 1956, et celle vers Étaples est aujourd’hui en soins intensifs. Peut-être l’occasion de ressortir le dossier du canal.
(1) Mémoires de l’Académie d’Arras ; Société royale des sciences, des lettres et des arts. Séance publique du 25 août 1835
(2) Mémoires de la Société d’agriculture, du commerce, des sciences et des arts de Boulogne-sur-Mer. Travaux du 25 septembre 1834 au 12 décembre 1836
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