Est-il possible de faire tourner une scierie dans un village résidentiel ? Le tribunal d’instance d’Arras va en décider puisqu’il a été saisi par un couple de Monchy-Breton (NDLR : qui souhaite rester anonyme), excédé par le bruit généré par l’activité de Maxime Derache. Le bûcheron a développé son entreprise sur le terrain familial de la rue du 14 juillet, mais des voisins n’en peuvent plus du vacarme des machines. “J’ai commencé à mi-temps en 2012, puis à plein temps en 2015. Au début, c’était le stockage du bois qui gênait, maintenant c’est le bruit”, regrette Maxime Derache, approuvé par son père : “Ça fait trente-cinq ans que je fais du bois ici, ça n’a jamais posé de problème.” Pour les voisins, la situation s’est dégradée ces dernières années : “Le père ne faisait que quelques stères chaque année, ça ne faisait du bruit que quelques jours par an. Mais maintenant, ce sont des centaines de stères. Depuis trois ans, c’est tous les jours, de mars à octobre, parfois durant toute la journée.” Le couple s’est installé en 2005, sans se douter qu’une scierie allait s’installer sous ses fenêtres dix ans plus tard : “Quand on est arrivés, derrière chez nous, il n’y avait qu’un âne dans une pâture. Depuis trois ans, on subit le bruit à quelques mètres de la maison. Impossible d’ouvrir les fenêtres en été ou de profiter de la terrasse.”
“Cet été, je ne pouvais pas profiter de la terrasse, ni ouvrir les fenêtres”
En effet, jusqu’en juillet dernier, le bûcheron préparait ses stères à une vingtaine de mètres de la maison voisine, mais il assure qu’il a depuis fait des efforts pour réduire les nuisances : “J’ai arrêté de travailler le samedi, je ne coupe du bois que deux à trois fois par semaine, pendant deux heures en moyenne. J’ai acheté un terrain à côté pour installer mes machines, je suis passé de vingt-cinq mètres à quatre-vingt-dix mètres.” D’après les voisins, l’activité représente plutôt plusieurs heures par jour, parfois toute la journée : “Cet été, je ne pouvais pas profiter de la terrasse, ni ouvrir les fenêtres. Même quand elles sont fermées, on entend encore les machines”, objectent les voisins qui reconnaissent que le déménagement a légèrement atténué le bruit, mais insuffisamment pour qu’ils puissent vivre en toute quiétude. Ils ont d’ailleurs minutieusement relevé les jours et heures d’activité durant cet été. Malheureusement, c’est justement à cette période que le bûcheron connaît un pic de travail, alors que ses clients rentrent du bois avant l’hiver. C’est aussi la saison où les voisins sont en congés et voudraient profiter du calme du village depuis leur terrasse. Le dialogue est rompu entre les deux parties, la médiation avec le maire a échoué et le couple a décidé de solliciter un avocat qui leur a conseillé de saisir la justice.
“J’ai des projets de développement mais avec cette affaire, je ne peux pas me lancer”
Des relevés sonores ont été effectués par un huissier, avec des pics à plus de quatre-vingts décibels. Des niveaux que ne nie pas Maxime Derache : “Avec la scie, on atteint 80-85 décibels, mais quand il n’y a que le tapis à bois, on est plutôt entre 60 et 75 décibels. L’huissier a réalisé ses constats avant que je déménage les machines. Maintenant, je suis à quatre-vingt-dix mètres, à égale distance avec un autre voisin qui ne se plaint de rien. D’ailleurs, à part ce couple, personne ne s’est jamais plaint.” Le bûcheron envisage d’investir dans un hangar et une machine qui permettrait de travailler plus vite et peut-être moins bruyamment. Deux projets dont le coût total avoisine les cent cinquante mille euros et qui sont pour l’instant à l’arrêt : “J’ai des projets de développement mais avec cette affaire, je ne peux pas me lancer tant que le tribunal ne s’est pas prononcé”, déplore Maxime Derache. Ses voisins attendent également avec impatience le verdict : “On ne veut pas l’empêcher de travailler, mais on demande à ce que les normes soient respectées. Ce n’est pas uniquement une question de volume, mais aussi de répétition et de durée. On en avait tellement marre qu’on a envisagé de déménager et de vendre la maison, mais elle a perdu toute sa valeur. Qui viendrait habiter ici maintenant ?” Le tribunal doit se prononcer ce jeudi 17 octobre et décider si l’entreprise de Maxime Derache peut continuer d’exercer sur ce terrain et, si oui, à quelles conditions.