Proposer aux habitants du Ternois une alimentation locale et de qualité : ce qui pourrait sembler être une évidence est en fait une petite révolution dans le monde agricole et alimentaire, portée par “l’Étable des possibles”. « Dans le Ternois, comme dans la majeure partie de la région, le modèle d’agriculture intensive fortement dépendante aux énergies fossiles est largement majoritaire car encore rentable. Les filières courtes et les projets de coopération y sont pour l’heure peu développés », constate Mickaël Poillion. Paysan dans le village d’Héricourt – dont il est également le maire – il a mis à disposition un ensemble d’anciens bâtiments agricoles pour des porteurs de projets afin de créer un « pôle de coopération alimentaire » avec l’ambition de créer « une filière territorialisée pour une alimentation de qualité en circuit de proximité ». Au-delà des grands concepts, l’objectif est très simple et concret : « On veut offrir des conditions optimales à ceux qui ont envie de s’investir pour proposer une alimentation différente. Au-delà de l’aspect économique, c’est aussi une aventure humaine, sociale et territoriale. »

Les premiers aventuriers sont Pascal Briois et Laurent Capelle, deux boulangers en reconversion qui ont créé “L’Atelier des Co’pains”, avec l’envie de proposer du pain au levain : « Dans les boulangeries conventionnelles, on trouve beaucoup de saloperies : des levures chimiques, des adjuvants pour colorer le pain, des conservateurs… Le nôtre est produit uniquement avec de l’eau, du sel et de la farine. On a d’excellents retours depuis notre lancement, ce qui nous donne une légitimité pour élargir à d’autres projets : on prouve que même en milieu rural, on peut donner vie à des initiatives innovantes. » Ainsi, une partie des étables a été transformée pour accueillir un four et un laboratoire de boulangerie : des équipements qui ont vocation à servir à d’autres, pour des boulangers en formation par exemple ou pour d’autres amateurs qui voudraient faire cuire leur pain.

« Les activités de transformation alimentaire nécessitent souvent un investissement important. L’idée est de mettre en commun le matériel pour les porteurs de projet. On envisage ainsi un deuxième atelier autour de la transformation du lait », détaille Mickaël Poillion, lui-même éleveur laitier. Un partenariat est même prévu avec l’abbaye de Belval et la société Affinord pour l’affinage et la vente de fromage. Une salle de transformation pour la fabrication de produits laitiers classiques (yaourts, crème, beurre…) devrait compléter cet atelier. Un appel à candidatures a été lancé pour développer cette activité, qui constituera une nouvelle étape dans la construction de “L’Étable des possibles”. Plusieurs développements sont envisagés avec une petite unité de meunerie, un réseau de récupération de chaleur, un espace de formation, une filière de valorisation du bois de haies… Mais d’autres idées pourraient émerger en fonction des envies et des besoins : maraîchage, transformation de la viande, microbrasserie, voire création d’un estaminet pour valoriser toutes ces productions. « Les acteurs locaux sont autant de maillons de la filière et créent de la valeur sur notre territoire, insiste Mickaël Poillion. On souhaite que notre démarche ait un impact localement. On invente, on expérimente un nouveau modèle, on essaie d’écrire un belle histoire. »
