Saint-Martin-les-Hernicourt (France), 2018/07/08, 13.42 pm
« Sapé comme jamais, sapé comme jamais », crachent les enceintes. Sous l’immense barnum, un joyeux brouhaha émerge d’une dizaine d’interminables tables. Le sergent Bornemeier découvre ce qu’est une ducasse et suit prudemment son équipe sous le chapiteau. À peine entré, l’Américain tombe sur ceux sans qui il ne serait pas là aujourd’hui : les jeteurs de foin de Monchy-Cayeux. Le président, le coach et quelques joueurs du club de football de la Vallée de la Ternoise découvrent avec étonnement qu’en fêtant leur titre sur une remorque de tracteur, ils ont contribué aux recherches d’un sergent américain : l’ASVT est désormais connue jusqu’à Salt Lake City. Le sergent est présenté au maire de Monchy-Cayeux qui a entendu parler de l’enquête mais ne dispose d’aucune information : « Vous pouvez passer consulter les archives, si vous voulez. » Son adjointe l’a déjà fait, sans succès. Pendant ce temps, Marie-Christine a trouvé Gabriel parmi la foule, mais le vieux Mont-Cayen n’a pas souvenir d’un avion qui se serait écrasé dans la Vallée Blanche. Pas de quoi saper le moral du sergent Bornemeier qui découvre avec amusement le spectacle de cabaret offert par un duo d’excentriques Frenchies et qui se régale de french fries et de saucisses. Une fois le café pris, l’équipe dispose encore d’une heure pour boucler les recherches à Monchy-Cayeux. Les cinq enquêteurs embarquent pour suivre leur dernière piste : le château où les Allemands avaient établi leur siège.
Monchy-Cayeux (France), 2018/07/08, 14.54 pm
Du château du XVIIIe siècle, il ne reste qu’un vaste parc et des dépendances aménagées, toujours imposantes. Derrière la haute grille qui barre l’entrée du porche, cinq molosses aboient de concert, dissuadant toute intrusion. La sonnette renvoie à une messagerie, tout comme le numéro de téléphone des châtelains. Reprenant la route, l’équipe passe devant une maison, bordant le champ de la Vallée Blanche. Marie-Christine et Simon connaissent les occupants et suggèrent au sergent de tenter sa chance. Alerté par son chien, l’octogénaire accueille avec surprise les cinq visiteurs. Il leur annonce qu’il n’était pas encore au village lorsque l’avion s’est écrasé mais propose d’appeler un de ses vieux amis, un ancien de Monchy parti s’installer à Arras. Après les politesses d’usage et commentaires sur la chaleur écrasante, Daniel expose la situation à son ami Michel qui réagit aussitôt et raconte toute son histoire dans le haut-parleur du téléphone. Pour la traduction, Simon se charge du thème et le Gobelin de la version pour que le sergent puisse échanger avec son interlocuteur, mais l’Américain reste sans voix face au témoignage de Michel Tilleul.
« Je me souviens très, très bien. Je vois encore la scène, comme si j’y étais. L’avion volait à basse altitude. Les balles passaient à cent mètres au-dessus de nos têtes. C’était le matin, ma mère m’avait appelé pour que je voie ça. Les Allemands canardaient à fond, l’avion est tombé en faisant des tours. Au troisième tour, il s’est écrasé entre le petit chemin et les maisons, là où habitait Henri Mallet. L’avion était complètement démoli. Il a explosé au sol. Il y avait des bombes un peu partout qui n’avaient pas explosé. Une était ouverte, je nous vois encore : on allait y chercher de la poudre. On a retrouvé un portefeuille qu’on a remis à l’instituteur, un gros portefeuille marron clair, avec beaucoup de documents dedans, dont les papiers de l’aviateur. Je ne me souviens plus de son nom,. C’est possible que ce soit Wilson, mais je ne peux pas le certifier. L’instituteur est mort depuis, il ne reste plus beaucoup de monde de cette époque-là. Je vous donne tous les détails. J’ai un souvenir tellement vivant de tout cela. On a retrouvé deux ou trois morceaux de chair : les Boches avaient tout ramassé, il ne restait que de petits morceaux. Ce sont les Allemands qui ont récupéré les restes du pilote. Je ne sais pas s’ils les ont enterrés quelque part, mais je ne pense pas : l’explosion a tellement été terrible… Il y avait un morceau de la poitrine ou du pubis, je ne sais pas. Je le vois encore… Un morceau de chair, de sept à huit centimètres sur trois centimètres d’épaisseur, avec des poils châtains. On ne savait pas quoi en faire, on l’a laissé sur place. C’était dans le champ, à l’emplacement du choc. Henri Mallet avait retrouvé une mitrailleuse, une 12.7 qui avait été projetée dans sa haie. C’était une des grosses mitrailleuses qu’il y avait sur les forteresses volantes. Henri l’avait récupérée et gardée dans l’atelier de menuiserie de son père. J’y pense encore quelques fois, mais je n’ai jamais su ce qu’elle était devenue. L’avion, c’était un quadrimoteur, avec les tourelles, les mitrailleuses. Je crois que c’était un B17. Il était sombre, peut-être vert foncé, je le vois comme ça. J’étais passionné d’aviation quand j’étais jeune. J’étais fils unique, mes parents n’ont pas voulu que je fasse l’école de pilotage. Nom d’un chien, j’en étais malade ! Je suivais les combats d’avions, je regardais tous les passages d’escadrilles, je n’en ai pas raté un. Je ne me rappelle pas exactement la date, mais c’était peu de temps avant la libération. J’avais treize ans à l’époque. C’était dans le fond de la vallée, entre le petit chemin et la maison de Juliette. C’est un léger vallon. L’avion a percuté cet endroit, à une vingtaine de mètres du chemin. Je regrette infiniment de ne pas pouvoir vous en dire plus. » Erik bégaie les seuls mots qu’il connaît en français : « Merci, Monsieur. Merci. »
To be continued…
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Retrouvez les épisodes précédents:
– Prologue : la piste des jeteurs de foin de Money-Cayeux
– Chapitre 1 : la French Connection
– Chapitre 2 : la Communauté de la Baguette
– Chapitre 3 : les preuves des bombes
– Chapitre 4 : la terreur venue du ciel
– Chapitre 5 : des détectives et des détecteurs