« Ils nous ont vendu un rêve et maintenant on vit un cauchemar. » Pour ces anciennes salariées, l’arrivée du nouveau centre E.Leclerc a viré à la tragédie après quelques semaines. « On nous a fait miroiter qu’on allait signer un CDI. Pour nous, c’était la stabilité, la possibilité de faire des projets. Ils savaient que les gens allaient se donner à 150 % », racontent les ex-salariés. « J’ai été mise à la porte à quatre jours de la fin de ma période d’essai. Ça fait une semaine, j’en pleure encore. Pour moi, ce CDI, c’était une porte de secours », témoigne une des ex-employés. Forte d’une solide expérience professionnelle, elle a interrompu son précédent CDD pour décrocher un CDI. Si le responsable du magasin, Benoît Lempereur, affirme que « personne n’a démissionné d’un CDI pour venir travailler » dans son nouveau centre (NDR : nous avons pourtant retrouvé une personne dans ce cas), beaucoup de salariés sous contrats précaires (y compris chez Leclerc) ont quitté leur employeur pour plus de stabilité : « Plusieurs ont interrompu leur contrat car il fallait être inscrit à Pôle Emploi pour participer au recrutement. » Une autre salariée raconte : « J’ai quitté mon emploi et on m’a finalement mise à la porte, au sens propre du terme. J’entends encore la porte claquer derrière moi, je me suis sentie tellement dévalorisée. Je me suis repassé toutes les journées pour voir ce que j’avais pu mal faire. » Tous les anciens salariés rencontrés estiment que les motifs invoqués pour rompre les contrats sont injustifiés : « À l’issue de la formation, nous avons eu de très bons rapports, nous avons tous participé à l’implantation du magasin. Ils ont eu de la super main d’œuvre pour faire la mise en place. On a fait la formation, on nous a fait travailler plusieurs semaines et on nous vire juste avant la fin de la période d’essai. »
Des semaines passées en magasin pour ne toucher que l’allocation chômage
Des formations de cinq à huit semaines se sont déroulées durant l’été, pour l’essentiel dans d’autres centres Leclerc. Selon Florence Tricard, directrice de l’agence Pôle Emploi de Saint-Pol, quatre des soixante-quatre stagiaires n’ont pas été au bout de leur formation qui devait se terminer le 5 septembre, jour de l’inauguration. Début septembre, la vague de départs a débuté : « Quand on voit des gens dégager un par un, on va travailler avec la boule au ventre, en se demandant si ça ne va pas être notre tour aujourd’hui. On nous a bien fait comprendre que tout le monde était toujours sur la sellette, quel que soit le niveau de responsabilité. » Selon Pôle Emploi, quatorze des soixante salariés issus de la formation estivale ont vu leur période d’essai interrompue, dont deux des dix-sept caissières. L’une d’entre elles explique qu’elle a pourtant travaillé pour Leclerc à partir de mi-juillet, dans le cadre de sa formation, avant de signer le CDI promis (et imposé à l’employeur par la convention avec Pôle Emploi). « J’ai travaillé en tant que caissière à Saint-Nicolas et Dainville, et ensuite j’ai eu des formations sur les gestes et postures, la présentation, le maquillage… Quand je suis revenue dans le magasin d’Herlin, avant l’ouverture, les hôtesses de caisse ont dû préparer les rayons, faire le ménage, alors que nous étions encore en période de formation. Les deux caissières ne sont pas parties d’elles-mêmes. On m’a reproché de ne pas être assez disponible alors que je faisais des heures supplémentaires. » Tous disent qu’ils auraient préféré que Leclerc leur propose clairement un CDD, plutôt que de faire miroiter des CDI. « On a passé des semaines en formation et on va être remplacés par des personnes qui n’ont pas été formées », soulignent les ex-Leclerc.
Au moins trente-sept personnes sont déjà passées par le centre E.Leclerc
Finalement, tous les emplois sont pourvus et c’est bien là l’essentiel pour Marc Bridoux. Le président de la communauté de communes s’est largement félicité de l’implantation du centre Leclerc et des emplois créés : « L’article de La Voix du Nord ne repose sur aucune véracité et participe à la désinformation, estime le président de la communauté de communes. Je n’ai pas à m’ingérer dans la politique de management d’une entreprise. Ce qui compte, c’est que quatre-vingt-dix emplois soient créés. » Le responsable du magasin, Benoît Lempereur, est tout aussi avare de commentaires : « Je suis transparent, je me suis exprimé dans L’Abeille de la Ternoise et je n’ai rien à dire de plus. Je suis avec mes conseils et nous envisageons une action en calomnie et diffamation. Le chiffre de quarante-sept personnes est complètement faux. » Combien sont concernés ? Le 3 novembre, La Voix du Nord annonçait « quarante-sept des quatre-vingts employés mis à la porte ». L’article publié dans L’Abeille de la Ternoise le 9 novembre (approuvé par Benoît Lempereur) dénombre trente-sept personnes. Certaines ont abandonné leur formation ou démissionné, mais beaucoup ont vu leur formation écourtée ou leur CDI s’arrêter avant la fin de la période d’essai de deux mois.
Finalement, ils auront travaillé pour E.Leclerc durant des semaines pour ne percevoir que leur allocation chômage. Puis, ils ont signé un CDI éphémère, après avoir assuré la mise en place du nouveau magasin. Le jour de l’inauguration, ils ont même croisé Michel-Edouard Leclerc, le président-directeur-général pour qui : « L’homme sera toujours au cœur du système, il en est la finalité. » Mais pour au moins trente-sept des quatre-vingts salariés promis, la finalité ne sera pas un CDI chez Leclerc.
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