Délicieux : au service de la France

« De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace et la France sera sauvée ! » Le célèbre discours de Danton aurait pu lui être inspiré par Pierre Manceron : à l’aube de la Révolution, cet officier de bouche paya son audace culinaire par son renvoi des cuisines du duc de Chamfort et finira par ouvrir le tout premier restaurant au monde. Tel est le pitch de Délicieux, une fiction inspirée par la France, son histoire, sa gastronomie, ses terroirs, et portée par le duo formé par Grégory Gadebois et Isabelle Carré. Le premier, avec sa gueule et son physique d’ours mal léché, incarne Pierre Manceron, un rôle écrit à sa démesure : « C’est extraordinaire lorsqu’un scénariste pense à vous dès l’écriture. J’aime bien manger, mais je ne savais pas cuisiner : j’ai passé trois jours avec le chef du Quai d’Orsay, Thierry Charrier, et sa brigade, pour sentir ce qu’était la vie d’une cuisine. » Le comédien a également mis la main à la pâte et ce sont bien ses paluches qui ouvrent le film et qui coupent, émincent, épluchent, remuent ou assaisonnent lors des scènes de cuisine (« sauf quand ça va très vite pour découper ! »). Ce rondelet taiseux se retrouve face à la gracile Isabelle Carré qui campe Louise, dont l’apparente fragilité cache une femme libre et déterminée à devenir l’apprentie du cuisinier, même si le mufle ne se prive pas de la gourmander et va jusqu’à blâmer son âge et son genre. « La cuisine est une affaire d’hommes, les femmes n’y entendent rien », bisque Manceron, alors aussi méprisant que les aristocrates qui estiment que le peuple ne saurait apprécier la bonne chère – ces mêmes qui considèrent que les truffes sont bonnes pour les cochons – sans se rendre compte que certains s’apprêtent à renverser la table et le roi.

Le producteur Christophe Rossignon et le comédien Grégory Gadebois sont venus présenter le film en avant-première au cinéma le Régency.

Loin de l’agitation parisienne, Manceron trouve refuge dans un relais de poste du Cantal, qui est beaucoup plus qu’un simple décor : « Le film a été très préparé en amont : la bâtisse existe vraiment, avec son toit de chaume, les prairies et les montagnes autour. Les paysages étaient déjà décrits dans le scénario, ça faisait partie de ses grandes qualités. La nature fait partie intégrante du projet : un cuisinier travaille des produits qui viennent de la terre », soulignait le producteur Christophe Rossignon, venu présenter le film en avant-première au cinéma le Régency, avec Grégory Gadebois. « En plus des personnages, les paysages sont magnifiques, les natures mortes superbes », commentaient deux spectateurs à l’issue de la projection, provoquant les applaudissements nourris de la salle. « La lumière était très importante. Le réalisateur, Eric Besnard, avait des tableaux en tête, des références de peintres, nous sommes allés au musée d’Orsay pour voir des peintures flamandes », raconte le producteur. La photographie est un régal pour les yeux et le film est presque contemplatif, ce qui peut expliquer le seul bémol à cette œuvre : des accélérations brutales du scénario avec des ficelles parfois un peu grosses pour raccrocher l’ensemble. Néanmoins, le plaisir est ailleurs : le duo Gadebois-Carré fonctionne à merveille, avec des dialogues aussi savoureux que les silences ; la réalisation léchée est au service d’une histoire originale, ancrée dans la réalité. Le film est riche de messages, de références, d’humour et de tendresse, et réussit à réveiller les papilles des spectateurs. Une gourmandise à savourer cette semaine au Régency.

-> Prochaines séances au Régency.


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